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Un premier aspect s’était dégagé. Pour ces élèves arrivés à l’éco<strong>le</strong> Freinet, il s’agissait<br />
dans cet entretien de décrire ce qui se passait dans <strong>le</strong>ur éco<strong>le</strong>. Nous avons pu dire qu’ils<br />
cherchaient à la faire visiter par la pensée à <strong>le</strong>ur interlocuteur. Ils décrivent <strong>le</strong>s nombreuses<br />
sal<strong>le</strong>s qui « ne sont pas de classe », en expliquant ce qu’on y fait. Leurs activités de classe<br />
ne se déclinent pas selon « <strong>le</strong>s matières » mais selon <strong>le</strong>s manières de travail<strong>le</strong>r, <strong>le</strong>s supports<br />
(<strong>le</strong>ttres aux correspondants, textes libres, conférences…) étant liés aux techniques de<br />
travail (plan de travail, préparation, présentation ora<strong>le</strong>, affichage…). De plus el<strong>le</strong>s ne sont<br />
pas disjointes des relations qui s’établissent dans la classe, qu’il s’agisse de la gestion des<br />
prises de paro<strong>le</strong>s, des votes, des discussions au conseil. Les relations entre <strong>le</strong>s élèves se<br />
construisent aussi à travers <strong>le</strong>s modes d’organisations du travail et nous avions entendu<br />
comme tout à fait inhabituel<strong>le</strong> cette remarque d’une élève : « (<strong>le</strong>s autres personnes) on sait<br />
<strong>le</strong>urs recherches, <strong>le</strong>ur exposé, dans mon ancienne éco<strong>le</strong> on faisait pas de recherche, la<br />
maîtresse el<strong>le</strong> <strong>le</strong>s gardait pour el<strong>le</strong>, donc on connaissait pas plus que ça <strong>le</strong>s autres élèves…<br />
et puis ici on peut <strong>le</strong>s découvrir plus grâce aux textes et tout… » Les enfants apprennent <strong>le</strong><br />
savoir en même temps qu’ils apprennent à se connaître.<br />
Comme en témoigne cette appréciation, on avait aussi pu re<strong>le</strong>ver <strong>le</strong> nombre de comparaisons<br />
spontanées établies par <strong>le</strong>s élèves, comme si par<strong>le</strong>r de cette éco<strong>le</strong> <strong>le</strong>s invitait naturel<strong>le</strong>ment<br />
à montrer, peut-être pourrait-on dire argumenter, en quoi el<strong>le</strong> est particulière. De tous ces<br />
éléments rapportés sur l’éco<strong>le</strong> Freinet et de toutes comparaisons établies, il ressort un fort<br />
sentiment de liberté. L’éco<strong>le</strong> est un espace physique que l’on peut voir et parcourir avec<br />
plaisir, où l’on peut se déplacer quand on est autonome pour y faire différentes activités<br />
selon <strong>le</strong>s endroits, d’où l’on peut voir l’extérieur et d’où l’on peut sortir virtuel<strong>le</strong>ment par la<br />
correspondance et réel<strong>le</strong>ment par <strong>le</strong>s sorties organisées. Le travail est organisé comme<br />
un espace de liberté grâce au plan de travail et aux différentes méthodes d’échange entre<br />
maîtres et élèves. L’éco<strong>le</strong> est aussi un espace de relations libres où l’écoute, la disponibilité<br />
et la mise en va<strong>le</strong>ur de chacun sont valorisées.<br />
Partant de là nous avions aussi pu nous interroger sur <strong>le</strong>s enfants en souffrance et montrer<br />
que cette éco<strong>le</strong> <strong>le</strong>ur permettait de dépasser <strong>le</strong>s « pourquoi » et d’établir des liens. Nous avions<br />
conclu que l’enfant en souffrance pouvait trouver dans ce mode de relation pédagogique<br />
une certaine façon de se reconstruire. L’enfant a des moyens à sa disposition de savoir<br />
pourquoi tel<strong>le</strong> chose peut se faire, tel<strong>le</strong> chose ne peut pas se faire. C’est bien cette possibilité<br />
qui fait la différence avec ce que certains décrivent de <strong>le</strong>ur passage dans d’autres éco<strong>le</strong>s.<br />
Ainsi Boris raconte que dans la cour « il y avait des lignes, on n’a pas <strong>le</strong> droit de par<strong>le</strong>r<br />
aux parents en fait il y avait quand même un grillage mais on n’avait pas <strong>le</strong> droit, il y avait<br />
une ligne jaune, on n’avait pas <strong>le</strong> droit de la dépasser, je ne sais pas pourquoi ». Pour <strong>le</strong><br />
même élève, c’était la même chose dans <strong>le</strong> cadre de la classe : « (décamètre, hectomètre)<br />
je savais pas que ça existait, enfin une fois on avait fait ça avec ma maîtresse de CE2 mais<br />
el<strong>le</strong> nous avait jamais dit c’était quoi, on avait demandé, on avait demandé mais j’avais<br />
jamais su en fait ». Ces réponses apportées ici aux « pourquoi », amènent l’élève à l’idée<br />
qu’il n’est pas interdit d’avoir des réponses en ce qui concerne <strong>le</strong>s objets d’enseignement<br />
ou <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s de la classe ou de l’éco<strong>le</strong>. Nous faisons alors l’hypothèse que ce sentiment,<br />
installé dans sa vie quotidienne d’élève l’amène progressivement à penser qu’il est légitime<br />
de chercher à comprendre <strong>le</strong>s raisons d’être des événements, même douloureux et même<br />
quand on est enfant, et donc à ne plus s’enfermer derrière <strong>le</strong>s interdits de savoir. Unifier<br />
<strong>le</strong>s différents domaines de sa vie, l’amène à construire ou reconstruire son unité intérieure,<br />
c’est à dire à reconstruire son « moi » un moi libre qui peut s’engager dans <strong>le</strong> désir et <strong>le</strong><br />
plaisir de la relation à l’autre, c’est-à-dire à travail<strong>le</strong>r lui-même contre cette « dissociation »<br />
dont par<strong>le</strong> Winnicott ( ) et qu’illustre Blanchard-Lavil<strong>le</strong> ( 00 ) en présentant l’histoire de<br />
<strong>IUFM</strong> Nord-Pas de Calais