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[L'Assassin Royal 2]L'assassin du roi

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s’excitaient mutuellement pour la chasse à venir. J’avais vu ce<br />

spectacle cent fois, avant les chasses d’hiver à l’élan ou à l’ours.<br />

Mais aujourd’hui l’air était ten<strong>du</strong> et il y flottait les relents acres<br />

de la soif <strong>du</strong> sang. J’entendais des bribes de conversation, des<br />

mots qui me mettaient l’estomac au bord des lèvres : «... pas de<br />

pitié pour ces or<strong>du</strong>res... », «... tous des traîtres et des lâches,<br />

d’oser s’en prendre à la reine... », «... vont le payer cher. Ils ne<br />

méritent pas de mourir vite... ». Je battis promptement en<br />

retraite dans les cuisines et me frayai un chemin au milieu<br />

d’une activité de ruche. Là aussi, on exprimait les mêmes<br />

sentiments, la même volonté de vengeance.<br />

Je trouvai Vérité dans sa chambre aux cartes.<br />

Manifestement, il était toiletté et vêtu de frais, mais les<br />

incidents de la nuit écoulée se voyaient sur lui aussi clairement<br />

qu’une robe sale. Il était habillé pour passer la journée enfermé<br />

au milieu de ses papiers. Je frappai doucement à la porte<br />

entrebâillée ; il était assis dans un fauteuil devant le feu, me<br />

tournant le dos. Il hocha la tête sans me regarder. Malgré son<br />

immobilité, l’air était lourd dans la pièce, comme avant un<br />

orage. Un plateau de petit déjeuner était posé sur une table à<br />

côté de son siège ; il n’y avait pas touché. Sans un mot, je vins<br />

me placer près de lui, presque certain d’avoir été appelé par<br />

l’Art. Comme le silence se prolongeait, je me demandai s’il<br />

savait lui-même la raison de ma convocation. Au bout d’un<br />

moment, je me risquai à parler.<br />

« Mon prince, vous n’accompagnez pas votre garde<br />

aujourd’hui ? »<br />

On eût dit que je venais d’ouvrir une vanne. Il se tourna<br />

vers moi ; les rides de son visage s’étaient creusées pendant la<br />

nuit. Il paraissait hâve, malade. « Non. Je n’ose pas. Comment<br />

pourrais-je me prêter à une telle action : chasser notre propre<br />

peuple, nos propres concitoyens ! Mais l’autre terme de<br />

l’alternative ne vaut guère mieux : rester tapi entre les murs <strong>du</strong><br />

château à broyer <strong>du</strong> noir pendant que d’autres s’en vont venger<br />

l’insulte faite à ma reine-servante ! Je n’ose pas interdire à mes<br />

hommes de défendre leur honneur. Aussi dois-je faire semblant<br />

de n’être au courant de rien, de ne pas voir ce qui se passe dans<br />

la cour, comme si j’étais un simple d’esprit, un paresseux ou un<br />

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