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Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

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LES MODALITÉS DE LA PRODUCTION AGRICOLE 103<br />

variété de ka-tiise, qu’on peut grossièrement distinguer en K bons N <strong>et</strong> « mauvais » suivant qu’ils<br />

servent à augmenter les récoltes sans préjudice pour les autres cultivateurs ou qu’ils sont utilisés pour<br />

voler l’âme des mils sur les champs des voisins. On croit que l’utilisation des ku-tiise présente toujours<br />

du danger. Toutefois, l’emploi des bons ka-tiise semble assez fréquent; <strong>et</strong> il arrive de temps en temps<br />

que des cultivateurs soient accusés d’en avoir employé de mauvais. Le recours aux ka-tiise demeure<br />

le plus souvent le secr<strong>et</strong> de ceux qui le pratiquent; mais il y a des exceptions.<br />

Sankara Tenga de Toèssé, ancien sous-officier de l’armée française, pensionné, conseiller rural,<br />

membre du bureau du comité local de l’U.D.V.-R.D.A. l, assesseur au tribunal du premier degré,<br />

propriétaire d’un bar <strong>et</strong> cultivateur, affirme posséder un ka-tiiga qui protège ses champs <strong>et</strong> double<br />

I’efficacité du travail fourni pour la culture des mils. Le recours aux ka-tiise n’est donc pas seulement<br />

le fait de quelques cultivateurs isolés, particulièrement ignorants des conditions objectives de la<br />

production agricole. Le ka-tiiga de Sankara Tenga est déposé à même le sol sous le grenier à mil, <strong>et</strong><br />

il n’est jamais déplacé. Il est surtout considéré puissant pour le p<strong>et</strong>it: mil. A la récolte, il est interdit<br />

d’utiliser le mil nouveau avant d’avoir fait un sacrifice au ka-tiiga: le cultivateur lui offre du gâteau,<br />

une pintade <strong>et</strong> un poul<strong>et</strong>. L’omission de ces sacrifices entraînerait des malheurs pour sa famille:<br />

maladies, mortalité <strong>et</strong> mauvaise récolte l’année suivante. Le recours à ce ka-tiiga n’est pas un secr<strong>et</strong>:<br />

c’est qu’il n’entraîne aucun inc.onvénienL pour autrui. Du reste, c<strong>et</strong> obj<strong>et</strong> magique ne supprime pas<br />

l’effort: (( Sous l’eff<strong>et</strong> du ka-tiiga, deux personnes fournissent le même travail que quatre. Mais sans<br />

travail, ce ka-tiiga est inopérant. N Sankara Tenga est silmi-mossi; il ne fait aucun sacrifice aux puissances<br />

associées à la terre, cela ne l’empêche pas de posséder un ka-tiiga.<br />

Habituellement, chacun se procure le ka-tiiga, le conserve <strong>et</strong> le déplace à l’insu des autres<br />

ctiltivateurs. Le ka-tiiga est porté au champ dès la première pluie <strong>et</strong> posé sous l’arbre où la famille<br />

prend ses repas lors des cultures. Le cultivateur cherche des racines des mêmes espèces que celles<br />

contenues <strong>dans</strong> le ka-tiiga, il les place sous l’obj<strong>et</strong> magique <strong>et</strong> sacrifie un poul<strong>et</strong> par dessus. Ensuite les<br />

racines fraîches sont consumées en même temps qu’un morceau de foie du poul<strong>et</strong> sacrifié. Les racines<br />

calcinées <strong>et</strong> les cendres sont réduites en fine poussière <strong>et</strong> mêlées au grain à semer afin qu’il lève bien.<br />

Ce ka+tiiga est laissé au champ durant toute la saison des pluies, posé à même le sol ou enterré. Le bon<br />

ka-tiiga doit protéger les plants de mil puis les épis en I’absence du propriétaire; il sera ramené à<br />

l’enclos familial lors de la récolte.<br />

Les ka-tiise dont l’utilisation est condamnée servent à voler l’âme des mils <strong>dans</strong> les champs des<br />

voisins. Ces ka<strong>et</strong>iise, sont conservés également sous les greniers à mil: afin que ceux-ci ne se vident<br />

jamais. De préférence, ils sont enterrés pour échapper à I’attention des voisins. Diverses croyances <strong>et</strong><br />

plusieurs modes d’emploi de ces ka-tiise ont pu être relevés.<br />

Un lundi matin, à l’approche de l’hivernage, le propriétaire du ka-tiiga sacrifie un chien, un<br />

poul<strong>et</strong> <strong>et</strong> une pintade <strong>et</strong> les offre au ka-tiiga. Un second sacrifice est effectué durant la nuit d’un lundi<br />

suivant. Le lendemain des semailles, le cultivateur prend le ka-tiiga sur sa tête <strong>et</strong> se promène <strong>dans</strong> les<br />

champs des voisins en murmurant une invocation : K Que le mil des champs que je traverse vienne<br />

<strong>dans</strong> mon champ, où il sera bien gardé ! 1) Au terme de sa randonnée, il se rend sur son champ<br />

pour ofJ!rir un troisième sacrifice au ka-tiiga <strong>et</strong> aux gènies kinkirsi de ce champ <strong>et</strong> des champs qu’il<br />

a traversés ; il dit alors : CC Que le ka-tiiga soit capable de prendre beaucoup de mil. Et que les kinkirsi<br />

prennent soin du ka-tiiga, qu’ils l’aident à ramasser le mil des champs voisins. Kinkirsi de ce champ<br />

<strong>et</strong> des champs voisins, prenez c<strong>et</strong>te poule <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te pintade. Si vous obtenez pour moi une bonne<br />

moisson, vous recevrez de la nourriture en abondance. » Le ka-tiiga n’est ramené à l’enclos familial<br />

que deux jours avant la rentrée de la récolte, il est transporté de nuit tandis que celui qui le porte<br />

chuchote: « Que tout le mil qui est <strong>dans</strong> mon champ rentre <strong>dans</strong> mon grenier <strong>et</strong> qu’il se multiplie ! »<br />

Au lieu de transporter eux-mêmes le ka-tiiga à travers les champs des voisins -- ce qui présente<br />

toujours quelque danger -, certains cultivateurs enduisent les pattes de leur chien d’un onguent<br />

préparé avec du beurre de karité <strong>et</strong> des racines calcinées extraites du ka-tiigu, puis ils chassent l’animal<br />

Africain.<br />

1. U.D.V. - R.D.A. : Union Démocratique Voltaïque, section nationale du Rassemblement Démocratique

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