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Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

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ANNEXES 229<br />

les contraintes inhérentes à la culture obligatoire des champs collectifs. Pour atteindre les objectifs<br />

fixés, la présence des gardes était nécessaire, mais elle provoquait un vif sentiment de répulsion à<br />

l’égard de l’économie cotonnière. Contrairement à ce que pensaient de nombreux administrateurs,<br />

il y avait une solution de continuité radicale entre les formes traditionnelles d’organisation du travail<br />

communautaire <strong>et</strong> le travail collectif obligatoire sur champs de village. Des différences essentielles <strong>et</strong><br />

irréductibles existaient entre ces deux formules : à la liberté était substituée l’obligation, l’ambiance de<br />

festivité faisait défaut, la fourniture de travail n’impliquait aucun service en r<strong>et</strong>our, les séances de<br />

culture obligatoires se trouvaient fréquemment en concurrence avec des travaux de culture urgents<br />

sur les champs consacrés à la production des biens vivriers, enfin le profit de ce travail était médiocre<br />

voire même inexistant. Il n’était pas rare, en eff<strong>et</strong>, - les rapports administratifs <strong>et</strong> les jugements des<br />

tribunaux en témoignent -, que les ressources provenant des champs collectifs fussent empochées<br />

par les chefs, sans le moindre bénéfice pour les travailleurs. Les intérêts des chefs <strong>et</strong> des cultivateurs<br />

étaient donc tout à fait opposés: ceux-là imposaient une contrainte d’autant plus sévère que ceux-ci<br />

faisaient plus d’efforts pour s’y soustraire. Au surplus, les cultivateurs de c<strong>et</strong>te région sont très jaloux<br />

de leur indépendance ; <strong>et</strong> le champ de village était une innovation qui n’avait aucune assise traditionnelle.<br />

C’est pourquoi ces champs étaient négligés dès que la contrainte s’affaiblissait.<br />

2. ‘L’échec de la production libre.<br />

Dès 1930, l’administration dut constater que la politique de production forcée de coton sur<br />

champs collectifs avait échoué. Sans une surveillance draconienne, les champs étaient négligés ou<br />

même abandonnés ; les populations se montraient mécontentes du contrôle qui leur était imposé.<br />

Contrairement aux prévisions optimistes de l’administration, la libre initiative des communautés<br />

n’avait pas pris la relève de l’obligation imposée par le pouvoir colonial. Il restait alors deux possibilités:<br />

ou bien la contrainte devait s’appliquer avec une rigueur croissante, devenant d’autant plus<br />

pénible à supporter <strong>et</strong> ayant pour conséquence inéluctable une nouvelle baisse des rendements déjà<br />

médiocres; ou bien il fallait changer de politique. Le gouverneur de la Haute Volta fit lui-même<br />

l’analyse de l’échec de la politique de production obligatoire sur champs collectifs, <strong>et</strong> indiqua la<br />

nouvelle voie à suivre 1 :<br />

« La culture individuelle ou familiale devra être impérativement substituée aux champs collectifs 1.. ..]. Ici,<br />

comme partout ailleurs, l’action collective, c’est-à-dire anonyme, se révèle stérile ; c<strong>et</strong>te action qui se rapproche davantage<br />

de l’inertie ne favorise que la paresse <strong>et</strong> l’incompétence. La méthode de l’action collective, nécessaire sans doute<br />

à la période des expériences <strong>et</strong> des démonstrations de début, exclut le jeu des facteurs matériels <strong>et</strong> moraux particuliers,<br />

la perspective du bénéfice certain, la satisfaction du succès personnel, les stimulants de tous ordres qui sont les leviers<br />

de l’énergie humaine [. . .]. L’heure est venue de n’adm<strong>et</strong>tre que l’initiative <strong>et</strong> le travail de l’individu 1) (souligné <strong>dans</strong> le<br />

texte).<br />

Ce texte illustre ce que furent, à c<strong>et</strong>te époque, les illusions de l’administration coloniale au<br />

suj<strong>et</strong> des motivations des cultivateurs voltaïques. On prêtait au cultivateur mossi les motivations d’un<br />

paysan français exerçant sa profession <strong>dans</strong> le cadre d’une économie de profit. L’esprit d’initiative,<br />

le désir individuel du gain <strong>et</strong> la recherche du succès personnel devaient assurer l’essor d’une libre<br />

production de coton. Une telle vision n’était qu’utopie <strong>dans</strong> le contexte traditionnel, où pèse leur+<br />

dement sur les individus la solidarité qui les unit <strong>et</strong> un égalitarisme qui les entrave. Dans le cadre de<br />

l’économie de subsistance, l’aventure individuelle est condamnée par la communauté qui a la charge<br />

de tous les individus. Chaque initiative doit être subordonnée à l’approbation du groupe. La réussite<br />

économique individuelle présente plus de dangers que d’avantages, elle peut entraîner pour l’individu<br />

l’exclusion de la communauté ou même sa suppression physique. Il n’était donc pas possible de<br />

Yako.<br />

1. Gouverneur p.i. Volta, Circulaire, 1930, Mise en valeur de la Haute Volta <strong>et</strong> de son plan cultural, ms., Arch.,

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