Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA RÉGION ET DE LA LOCALITÉ DE DAKOLA 25
D’après les habitants actuels de l’ouest du Mossi, les anciens Ninisi auraient été des Samo ou
des Foulse. Au reste, on désigne couramment les Samo actuels par le terme Ninisi; et des habitants
de Pilimpikou rapportent que des Samo de Tougan reviennent chaque année dans leur localité pour
y effectuer des sacrifices sur un autel qu’ils conservent en ce lieu.
Les informations actuellement disponibles ne permettent pas de trancher le problème de
l’origine des Ninisi de l’Ouest : appartenaient-ils à ce qu’il est convenu d’appeler le stock K voltaïque 1)
des populations du bassin de la Volta blanche ou au stock mande sud ? Leur identification avec les
Samo pèse en faveur de la seconde hypothèse. En ce qui concerne l’appellation Ninisi, on se rangera
au point de vue de M. IZARD (1967, p. 25 et p. 159) qui estime que (( les radicaux nyo, ni ne sont que
deux formes d’un même radical et les mots nyonyosé, ninisi, deux formes d’un même nom qui a servi,
dans des contextes régionaux et dialectaux différents, à désigner des groupes divers entretenant avec
les envahisseurs nakomse, à un certain niveau, un seul et même type de relation )) 1. Le terme Ninisi,
comme le terme Nyonyose, peut donc désigner des groupes ethniques différents mais présentant en
commun le caractère d’être autochtones: le redoublement du radical ni ou nyo marquerait avec
insistance l’ancienneté de leur implantation géographique.
b) FONDATION DES COMMANDEMENTS RÉGIONAUX MOSSI.
G. V. &BoRÉ (1962, p. 612) résume parfaitement la version mossi officielle de l’occupation
des pays nyonyose et ninisi par les Nakomse et leurs compagnons : (( L’Empire mossi résulte de la
conquête : à l’origine, des guerriers supérieurement armés surent imposer leur autorité aux populations
indigènes P. Dans l’Ouest, la plupart des traditions orales accentuent les aspects militaires de la
« conquête » ; elles rapportent que les Ninisi, épouvantés par la force guerrière des Mossi et écrasés
dès qu’ils acceptaient de combattre, s’étaient le plus souvent enfuis à l’approche des envahisseurs.
Transmises dans les milieux liés aux détenteurs actuels du pouvoir, ces traditions sont contredites
par les descendants des Ninisi. Ceux-ci ne reconnaissent pas que leurs ancêtres se soient enfuis
au moment de la venue des Mossi. Il n’y aurait pas eu, à proprement parler, heurt entre une force
militaire étrangère et les populations autochtones, mais pénétration et colonisation progressives - ce
qui n’exclut pas certains épisodes militaires. Les aspects militaires de l’occupation de l’Ouest auraient
été nettement moins déterminants que la concurrence établie entre le système social apporté par les
Mossi et le système social des Ninisi. La tradition de la fuite généralisée des Ninisi devant les Mossi
pourrait n’être qu’une version officielle et tardive, élaborée par l’entourage des chefs mossi, pour
justifier l’occupation du pays et l’éviction progressive des premiers occupants ou leur assimilation,
et pour affirmer ainsi l’unité culturelle de l’ensemble mossi formé en fait par un amalgame de groupes
socio-ethniques divers.
Le pays ninisi n’avait selon toute vraisemblance qu’une faible population quand y vinrent,
par groupes réduits, les premiers Nakomse ; et ceux-ci ne se sont installés qu’avec l’accord des autochtones,
quand ils pouvaient l’obtenir. Ce fut seulement peu à peu que les Nakomse prirent l’importance
sociale dont résulta ultérieurement l’organisation politique traditionnelle du pays. W. STA~DE
emploie à propos de l’expansion mossi l’expression (( croissance biologique )):
(< Si on regarde bien comment s’est fait le développement des royaumes mossi depuis un certain temps, il
résulte que la croissance du pouvoir mossi a été une croissance « biologique )) [. _ .]. Il y a eu certainement des guerres,
mais ce qui a surtout dominé l’histoire mossi, c’est l’assimilation lente de ceux avec lesquels ce peuple se trouvait en
contact )) 2.
D’après les traditions transmises par les dignitaires des cours des chefs de Batono, Dakola et
Samba, les fondateurs de ces commandements mossi auraient été les premiers Nakomse venus s’établir
1. Le type de relation identique que les Ninisi et les Nyonyose entretenaient avec les envahisseurs nakomse
était le rapport formel autochtones-colonisateurs. Mais le contenu réel de ce rapport a beaucoup varié selon les régions
et les époques. Le chapitre IV de cette étude comprend des informations plus détaillées sur les relations religieuses et
politiques instaurées entre les Ninisi et les chefs mossi dans l’ouest.
2. CoIloque SUP les cultures voltaïques-Sonchamp, 1967 (p. 112). Cf. aussi MEYER FORTES, cité par HAMMOND,
1966 (p. 15) : s [. . .] these migratians were the result rather of ecological pressures and social forces than of large scale
conquests ».