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Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

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ANNEXES 205<br />

publics » l. Des prescriptions minutieuses, dont l’exécution était vérifiée par des inspections fréquentes,<br />

avaient été diffusées pour le maintien en bon état des greniers - (( désinfectés par le feu<br />

après enlèvement de la toiture [. . .], étanches, protégés des rats <strong>et</strong> des termites N 2. C<strong>et</strong>te ingérence de<br />

l’administration était mal supportée par les cultivateurs, <strong>et</strong> « le grenier du Blanc N constituait <strong>dans</strong> le<br />

paysage mossi un signe détesté des contraintes administratives.<br />

La part de la production destinée à la commercialisation n’échappait pas davantage au contrôle<br />

de l’appareil politico.commercial de la puissance coloniale. Les prix étaient imposés, <strong>et</strong> pour éviter<br />

que les marchandises ne quittent les marchés officiels lorsque ces prix étaient trop bas, leur vente<br />

pouvait être interdite sur les marchés traditionnels. Un autre moyen de pression consistait à n’autoriser<br />

les transactions sur les marchés traditionnèls que si les paiements étaient effectués en argent<br />

français - ainsi, l’usage des cauris a été interdit en 1926 3. Enfin, par l’impôt, l’administration intervenait<br />

encore plus directement, agissant à sa guise sur l’économie locale pour en assurer l’exploitation<br />

la plus efficace. En 1926, l’administrateur de Koudougou s’exprime à ce suj<strong>et</strong> <strong>dans</strong> les termes suivants :<br />

c Parmi les considérations qui me rendent favorable à une augmentation du taux de l’impôt jusqu’à 8 franc]<br />

pour 1927, il y a celle-ci que, il y a quelques années, 4 à 5 ans, les indigènes se procuraient [c<strong>et</strong>te somme contres<br />

4 000 cauris alors qu’actuellement, pour le même nombre de cauris, ils peuvent se procurer la somme de 35 francs<br />

environ; or le nombre des cauris en circulation n’a pas varié depuis c<strong>et</strong>te époque. Il s’ensuit donc un enrichissement<br />

illégitime de l’indigène possesseur de cauris <strong>et</strong> il est jute qu’il subisse des charges nouvelles <strong>dans</strong> une même proportion » 4.<br />

L’exploitation économique devait nécessairement « s’appuyer sur une prise de possession<br />

politique » : pour que la domination fût globale, il fallait (( contrôler le pays, le (( tenir N, . . . s’insérer<br />

au cœur même des sociétés colonisées )) 5. Dans le pays mossi, l’organisation coutumière des commandements<br />

régionaux a fourni le moyen de c<strong>et</strong>te insertion. L’autorité coloniale reconnut les pouvoirs<br />

des chefs traditionnels <strong>et</strong> les étendit en fonction de sa propre stratégie de domination, sans se soucier<br />

de savoir si la nature ancienne de ces pouvoirs perm<strong>et</strong>tait qu’ils fussent tout d’un coup appliqués à<br />

tous les domaines de la vie économique <strong>et</strong> sociale. L’administration a toujours postulé à tort que<br />

l’accroissement du pouvoir des chefs affermissait automatiquement la cohésion interne du système<br />

politique existant, <strong>et</strong> augmentait l’efficacité de ses interventions. Elle renforça ces pouvoirs en assurant<br />

aux chefs la garantie de la couverture administrative <strong>et</strong> en leur prêtant main-forte en cas de<br />

nécessité. La relative autonomie politique des groupements locaux devait disparaître au bénéfice<br />

d’un pouvoir centralisé puissant, <strong>et</strong> un rapport de force brute allait se substituer aux rapports nuancés<br />

qui se trouvaient antérieurement fondés sur un compromis tacite entre le pouvoir central <strong>et</strong> les<br />

lignages.<br />

« Nous nous efforçons constamment de rehausser léur prestige, d’affermir davantage encore leur autorité, par<br />

des avantages matériels <strong>et</strong> des satisfactions morales. Les chefs sont en eff<strong>et</strong> la clef de voûte de la bonne situation politique<br />

du pays. II importe donc de les rendre chaque jour plus forts <strong>et</strong> en même temps plus dévoués <strong>et</strong> plus confiants » s.<br />

Dès le début de la colonisation, les chefs ont été systématiquement compromis par les autorités<br />

françaises. En 1916, ils durent participer à la répression de la révolte gourounsi; le chef de Samba<br />

reçut à c<strong>et</strong>te occasion la Médaille coloniale comme récompense ‘. Ici apparaît n<strong>et</strong>tement (( le caractère<br />

instrumental 1) de la politique coloniale française, qui n’était définie qu’en fonction des objectifs<br />

1. Rapport du Premier Bureau, Aff. Pol. <strong>et</strong> Adm., 27 février 1927, ms., Arch., Yako.<br />

2. Note sur l’organisation du travail de contrôle de la population, Société de Prévoyance, Cercle de Koudougou,<br />

23 mai 1938, ms., Arch., C.V.R.S. Ouagadougou.<br />

3. Bull<strong>et</strong>in mensuel, mai 1926, Cercle de Koudougou, Arch., Abidjan (sans numéro).<br />

4. Bull<strong>et</strong>in mensuel, février 1926, Cercle de Koudougou, Arch. Abidjan (sans numéro). C’est nous qui soulignons<br />

les termes “ illégitime ” <strong>et</strong> “ juste “.<br />

5. Cf. BALANDIER, 1963 (pp. 5 <strong>et</strong> 12).<br />

6. Rapport du Premier Bureau, Aff. Pol. <strong>et</strong> Adm., 27 mars 1919, ms., Arch., Abidjan, no D 213 A.P.<br />

7. L’administration a toujours utilisé les distinctions honorifiques pour s’attacher les chefs. Dans le carn<strong>et</strong><br />

signalétique de naaba Tigré, chef de Samba, on lit ceci pour l’année 1928 : « Mérite pleinement d’avoir une décoration<br />

queIconque pour Iaquelle je le propose chaleureusement. Signé: Tellier. » Arch., Yako.

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