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Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

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LE RÉGIME FONCIER 147<br />

descendants des premiers occupants, qui prétendent être les authentiques maîtres de la terre de leur<br />

localité, ne sont en relation ni avec les Ninisi du quartier Mougouniguen de Pilimpikou, qui sont<br />

pareillement les premiers occupants de leur localité <strong>et</strong> se prétendent authentiques maîtres de la terre,<br />

ni avec ceux de Batono, premiers occupants <strong>et</strong> maîtres de la terre reconnus. Ces trois localités sont à<br />

si courte distance que des relations régulières <strong>et</strong> caractéristiques entre maîtres de la terre se seraient<br />

probablement maintenues à travers le temps, si elles avaient à un moment existé <strong>dans</strong> le cadre d’une<br />

institution politico-religieuse régionale.<br />

Le commandement institué par les chefs mossi sur la région de Dakola s’appliquait aux hommes<br />

<strong>et</strong> aux terres de manière indissociable : tout le pays se trouvait placé sous leur puissance. Le territoire<br />

qu’ils avaient soumis était devenu leur domaine, soolem l: chaque chef se présentait comme un maître<br />

absolu, affirmant que toute vie <strong>et</strong> toute chose établies en ce lieu se trouvaient sous sa dépendance.<br />

Un proverbe mossi, souvent cité <strong>dans</strong> la littérature <strong>et</strong>hnologique, exprime de façon imagée <strong>et</strong> convaincante<br />

ce pouvoir: c Le crapaud <strong>et</strong> le contenu de son ventre appartiennent au serpent ». Mais c<strong>et</strong>te<br />

domination était essentiellement d’ordre politique, elle n’avait que peu de conséquences économiques.<br />

En ce qui concerne les terres, les chefs n’exerçaient pas de contrôle foncier systématique. Leur attention<br />

ne s’appliquait normalement qu’aux problèmes posés par la création <strong>et</strong> la gestion d’unités territoriales<br />

définies sous l’angle politique. En fait, ils veillaient à ce que leurs suj<strong>et</strong>s ne fussent jamais<br />

lésés <strong>dans</strong> leurs droits fondamentaux: celui qui se plaçait sous l’autorité d’un chef pouvait attendre<br />

de son protecteur qu’il lui garantisse la jouissance tranquille d’une terre suffisante pour ses besoins.<br />

En somme, le pouvoir des chefs n’a traditionnellement pas eu recours à l’appropriation des terres<br />

pour établir <strong>et</strong> maintenir les relations de dépendance qui forment la trame de l’organisation politique<br />

de la société mossi 2.<br />

D’après BOUTILLIER (1964, p. 24), l’étendue des droits fonciers des chefs a augmenté parale<br />

lèllement aux charges liées à leur fonction:<br />

« Grâce, en eff<strong>et</strong>, au pouvoir politique de leur (< clan B, [les chefs mossi] se sont fait attribuer des patrimoines<br />

fonciers importants qu’ils ont pu m<strong>et</strong>tre en valeur par l’eff<strong>et</strong> de leur domination sur leurs suj<strong>et</strong>s [. . .]. Les deux aspects<br />

de leur pouvoir, octroi de terres, prestations de services, sont à l’origine de ce glissement de I’impérium au dominium<br />

propri<strong>et</strong>atis [. . .]. ))<br />

Il semble toutefois, que ce processus d’accaparement de titres fonciers par les chefs se soit<br />

surtout développé depuis l’époque coloniale, notamment en liaison avec les cultures de rapport.<br />

Enfin, il reste à esquisser le rôle que continuent à jouer actuellement les maîtres de la terre.<br />

Pour l’ensemble de la région de Yako, l’évolution du système foncier s’est surtout caractérisée par<br />

un processus d’appropriation des terres par des unités sociales de plus en plus réduites, à la suite d’une<br />

occupation du sol sans cesse plus dense en raison d’une forte expansion démographique. Dans ce<br />

contexte où les litiges fonciers se sont multipliés, les fonctions juridiques des maîtres de la terre se sont<br />

précisées <strong>et</strong> ont pris une importance considérable, Les tribunaux coutumiers, institués par l’administration<br />

coloniale, ont renforcé la position des maîtres de la terre en ayant systématiquement recours<br />

à leur compétence. On notera cependant que pour justifier leurs fonctions juridiques en matière<br />

foncière, les maîtres de la terre invoquent volontiers l’essence religieuse de leur pouvoir (sous forme<br />

d’une référence à l’alliance originelle établie avec le sol par leurs ancêtres ninisi ou mossi, ou par<br />

allusion à la valeur intrinsèque de leur témoignage garanti par la terre des ancêtres dont ils sont les<br />

prêtres). La détermination proprement politique, même quand elle a été historiquement première<br />

comme ce fut le cas à Dakola, semble passer au second plan lorsqu’il s’agit de justifier des prérogatives<br />

relatives à la terre.<br />

1. Soolem, de SO: (( Etre maître de, avoir droit sur, posséder », ALEXANDRE, 1953 (p. 326).<br />

2. (c The <strong>Mossi</strong> chiefs did not own the land, but they controlled it and assignedland rights to their subjects )),<br />

SKINNER, 1964a (p. 107).<br />

« L’autorité [des chefs] s’exerçait sur les biens <strong>et</strong> les hommes sans atteindre la propriété foncière elle-même D,<br />

KABORE, 1962 (p. 615). C<strong>et</strong> auteur écrit à Ia suite du texte cité que la propriété foncière était la K prérogative des autochtones<br />

» ; tel n’a cependant jamais été le cas <strong>dans</strong> l’ouest du <strong>Mossi</strong>, où les droits fonciers sont habituellement détenus<br />

par les cultivateurs dont les ancêtres ont défriché les terres. Parfois seulement, les autochtones conservent des prérogatives<br />

d’ordre religieux. Cf. aussi PAULME, 1963 (p. 127).

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