Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

222 ACTIVITÉS AGRICOLES ET CHANGEMENTS SOCIAUX DANS L’OUEST-MOS%
par l’intermédiaire de parents ou de camarades qui rentrent au pays ou en reviennent, soit plus
rarement par la poste. Près de la moitié: des migrants envoient à leurs parents une lettre en moyenne
par an. Pour répondre aux besoins que la famille à Dakola leur rappelle généralement par des correspondances
insistantes, les trois quarts des migrants font parvenir à leurs parents ou à un frère aîné
de l’argent « pour payer l’impôt ». En moyenne, ils envoient annuellement chez eux la somme de
2 800 francs CFA. Pour un séjour d’un an, les migrants qui rentrent rapportent en moyenne
moyenne 13 500 francs CFA en argent liquide et des marchandises pour une valeur de 4 000 francs
CFA - bicyclettes, vêtements et chaussures, valises ou cantines, postes à transistors, lampes de poche,
lunettes solaires, etc. En somme, un séjour d’un an en Côte d’ivoire rapporte en moyenne à chaque
migrant 20 000 francs CFA à peu près l, soit une somme sensiblement supérieure au profit qu’un
agriculteur peut espérer tirer de ses cultures dans l’état actuel des techniques de production 2.
Les migrations des populations de l’ouest du Mossi ont été jusqu’à présent considérées comme
des phénomènes essentiellement saisonniers ; on se reportera par exemple au rapport annuel de 1963
de la subdivision de Yako : (( Ces mouvements de faible importance ne gènent guère l’économie du
pays, puisque la plupart de ces jeunes reviennent pendant les cultures » 3. Ce point de vue est inexact.
Dans l’Ouest, la plupart des migrants partent pour plus d’un an et un grand nombre reste absent
durant plusieurs années. Ces migrations entraînent donc une diminution considérable de la capacité
de production du pays, car les migrants sont dans l’ensemble jeunes. Cependant, l’argent envoyé
au pays par les migrants et les sommes et marchandises qu’ils rapportent contribuent de façon
importante à maintenir l’équilibre précaire de la situation économique. Les migrants de retour au
pays ne peuvent guère utiliser l’expérience acquise au loin pour améliorer les conditions techniques
de la production agricole; mais motivé par des besoins nouveaux de biens de consommation, ils
ont tendance à porter un intérêt accru à la culture du coton et beaucoup d’entre eux montent un petit
commerce. Plus du tiers des bicyclettes de Dakola ont été achetées avec de l’argent provenant de la
Côte d’ivoire. L’influence des migrations est également très nette dans le domaine de l’ameublement
et du confort : mis à part les anciens combattants pensionnés, ce sont les migrants qui ont les exigences
les plus grandes dans ce domaine. C’est chez eux qu’on trouve les lampes à pétrole, les valises, les
cantines et les caisses à vêtements, les seaux, les marmites en fonte, les chaises pliantes, les lits de
fabrication locale, et plusieurs d’entre eux ferment leurs cases avec des portes en tôle.
- Les richesses rapportées de l’extérieur ne sont pas toujours employées en fonction de leur
utilité objective mais peuvent servir, indépendamment de leur fin propre, dans la compétition pour
le prestige. Quand un poste radiophonique est utilisé au maximum de sa puissance pour des émissions
en une langue étrangère incomprise par les auditeurs, il ne sert pas selon sa fonction première quiest
de transmettre des messages intelligibles, mais il doit attirer l’attention du public sur son propriétaire
et lui procurer du prestige. Certains accoutrements révèlent des motivations semblables. Dans cette
optique, le prestige et la puissance ne résultent pas, comme dans l’ordre traditionnel, de la redistribution
des richesses, mais de leur accumulation et de leur exhibition.
1. D’aprPs l’enquête de 1965, chaque migrant rapportait approximativement 18 000 francs CFA, compte tenu
des marchandises achetées au retour.
2. Au Niger également, les jeunes ont tendance à abandonner l’agriculture pour s’adonner aux migrations
de travail. Cf. RAULIN, 1963a (p. 82) : « Autrefois, les jeunes gens mariés ou non cultivaient tous des parcelles dont la
production leur revenait au moins en partie [et] constituait un puissant moteur d’activité. Aujourd’hui ces champs de
jeunes sont de plus en plus rares [. . .]. Aucun garçon [. . .] n’avait manifesté. l’intention de se procurer de l’argent par
ce moyen. Seul compte pour eux [. . .] celui que l’on rapporte de la Côte, les vêtements font du jeune homme revenant
du Ghana, un modèle pour la jeunesse locale. >)
3. Dot. ms., Arch., Yalco.
Dans les régions proches du Ghana, les migrations sont plus souvent saisonnières. Cf. SKINNER, 1960 (p. 381) :
(< Ideally, the migrants should not leave for work in the cities, mines, vegetable and cacao farms of Ghana until the end
of November, when most of the crops have been harvested. They should remain in Ghana for about five months [. . -1. »
On ne peut cependant pas partager le point de vue de cet auteur quand il Ccrit à la suite du texte cité: (( One of the major
characteristics of migration on Mossi agriculture is the failure of about 20 per cent of the migrants to return home in
any one year. 1) Pour l’ensemble du pays mossi, le pourcentage des migrants qui ne rentrent pas pour la saison des
cultures est certainement depuis longtemps supérieur au chiffre cité.