Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

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4 Le régime foncier IMPLICATIONS RELIGIEUSES ET POLITIQUES DES RELATIONS ENTRE LES HOMMES ET LA TERRE A. - LA TERRE, SOURCE DE TOUTE VIE ET CADRE GÉOGRAPHIQUE DE L’ORGANISATION SOCIALE. La terre n’est pas perçue par le cultivateur comme un simple facteur de production, comme une entité objective que l’on pourrait définir de manière adéquate en recourant seulement à des notions économiques. Les relations entre les hommes et la terre déterminent des situations complexes dont les implications religieuses, sociales et économiques sont intimement interdépendantes.
140 ACTIVITÉS AGRICOLES ET CHANGEMENTS SOCIAUX DANS L’OUEST-MOSSI La terre est dite « épouse de Dieu » l, elle constitue spirituellement la puissance femelle fondamentale, principe et symbole de toute fécondité: la terre est sacrée. Pour comprendre les fondements du régime foncier il n’est toutefois pas nécessaire de tenter ici la difficile entreprise de préciser le statut exact de la terre dans la théologie mossi, ou sa place et sa fonction dans la cosmogonie. Les formalisations théologiques n’aboutissent qu’à des résultats peu utiles pour cette recherche ; elles dépassent abstraitement le contenu vécu des consciences, les connaissances partielles et disparates qui inspirent les comportements concrets de la majorité des individus. Les informations consignées ci.dessous résultent de l’observation du comportement quotidien des cultivateurs par rapport à la terre; elles expriment des croyances banales qui déterminent directement les modes d’utilisation du sol. Principale source des biens qui assurent l’existence, la terre est considérée comme dispensa+ trice ordinaire de la vie. Lieu de repos des ancêtres qui ont transmis la vie, et demeure des génies kinkirsi qui jouent un rôle primordial dans la procréation 2, la terre constitue en quelque sorte la retraite où les forces surnaturelles des existences passées sont recueillies et conservées actives, et une réserve de principe vital pour chaque incarnation future. La terre produit les récoltes et elle assure la fécondité pour la survie des groupes. Les puissances au sein de la terre - la force de la terre, teng~ pangu - déterminent les possibilités de toute vie actuelle et sont chargées de l’ensemble des pro* messes d’avenir. Ainsi, la terre est la matrice de chaque forme de vie; et l’homme est nécessairement en rapport permanent avec elle, car les liens qui Punissent à elle sont essentiels. A tout vivant doit être concédé suffisamment de terre pour les besoins de sa subsistance. Et tout cadavre doit normalement être enterré. Parce que la terre est source universelle de vie, personne n’est autorisé à l’accaparer au détriment d’autrui. L’accès à la terre ne peut pas être interdit à un homme s’il n’a pas commis une faute impardonnable. Mais si une faute grave a entraîné une rupture irrémédiable entre l’individu et la société (qui comprend les vivants et les morts), le coupable est chassé au loin pour subir son anéantissement social; autrefois il était mis à mort, lapidé ou assommé, et son cadavre était abandonné sans sépulture sur les lieux du supplice. La terre, les ancêtres et la société des vivants sont intimement unis ; celui qui est rejeté par la societé en vertu des traditions ancestrales ne doit pas être recueilli au sein de la terre. Mais la terre constitue un lien fondamental entre les ancêtres et ceux qui vivent selon les traditions. Pour demeurer unis à la terre de leurs ancêtres et aux parents qui continuent à vivre sur cette terre, ceux qui partent fonder au loin un nouveau quartier emportent avec eux un peu de terre de leur localité d’origine 3. Et tout homme souhaite pouvoir être enterré un jour auprès des siens 4. Investie de multiples forces, la terre est objet de culte. En tant que tengu, la terre est l’élément matériel auquel sont intimement mêlés les corps et les esprits des ancêtres : (( Tout homme naît de la terre, vit par la terre, retourne dans la terre ; la terre a nourri et a repris les ancêtres )). Le terme tempeelem 6 désigne l’être de la terre, matérialisé dans l’espace par l’existence de territoires particuliers. Ce concept recouvre à la fois une réalité ontologique et une réalité géographique, déterminée par une organisation politique. Le tempeelem de chaque localité inclut le tenga, le précise et l’idéalise en même temps, en fournissant un support matériel et surnaturel à l’organisation de la vie sociale. 1. LAMBERT, 1907 (pp. 184-185): « On dit aussi que la terre (Tenga) est la femme de Dieu (Wendé parha) et [que] les hommes (neba) sont les enfants de la terre (Tenga kamba) [. . .]. La terre fécondée par le soleil a donné naissance à la vie. » ILBOUDO, 1966 (p. 3) : (( [La terre] sera dite e Reine-Terre » (Napagha Tenga) ou épouse du Dieu-Soleil (Wende Pagha Tenga). x 2. Toute femme qui souhaite se trouver enceinte s’efforce de plaire aux génies kinkirsi pour que l’un d’eux vienne en elle et devienne son enfant. Chaque homme a son kinkirgu particulier depuis le moment de sa conception. 3. ISARD-HJ~RITIER et EZARD, 1959 (p. 63), ont fait la même constatation au Yatenga: « Théoriquement, tout groupe qui quitte son village pour s’installer ailleurs emporte avec soi une partie de la terre du tenga; sans terre, on ne peut créer un village. » 4. « Afin de dormir près des siens son dernier sommeil, un indigène quand il sent ses forces diminuer, construira parfois ses cases en pleine brousse, au lieu où s’élevait autrefois le village, aujourd’hui abandonné, où vécurent ses ancêtres)), MANGIN, 1960 (p. 102). 5. Tempeelem /de tenga, terre, et de peelemj
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