Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

64 ACTIVITÉS AGRICOLES ET CHANGEMENTS SOCIAUX DANS L’OUEST-MOSSI
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« deux marmites dans un enclos » quand un enclos familial comprend deux groupes de consommation
formant des unités de production distincte.s.
Les trois quarts des unités de production forment des enclos familiaux séparés l. Sept enclos
sur cinquante-huit comprennent deux unités de production indépendantes. Et dans un cas seulement,
les cultivateurs de trois unités de production cohabitent dans un même enclos. Toute nouvelle unité
de production a donc tendance à s’ériger en unité d’habitation autonome, au centre des champs
permanents de l’exploitation 2. Les raisons de ce comportement sont d’ordre psychoesociologique et
technique : chaque chef d’exploitation veut être maître chez lui, exercer sans contrôle extérieurs on
autorité sur ses dépendants, et disposer autour de son enclos d’un espace suffisant pour y établir
un champ permanent facile à engraisser avec le fumier domestique.
Les soixante.sept unités de production de Dakola comptent deux cent trente et un travailleurs,
hommes et femmes âgés de quinze à cinquante-neuf ans, soit $4 travailleurs par unité. Le tiers des
unités de production comptent moins de trois travailleurs, plus de trois unités sur quatre ont moins
de cinq travailleurs et regroupent plus de 60 % de l’ensemble des travailleurs, trois unités seulement
disposent de plus de sept travailleurs 3. Un nombre si réduit de travailleurs par unité. de production
impose une organisation rigoureuse des activités agricoles, particulièrement au moment des sarclages,
car l’absence accidentelle d’un seul travailleur affecte gravement les possibilites de production de
l’unité. Cette précarité est psychologiquement ressentie par la plupart de5 cultivateurs, qui estiment
qu’une petite unité de production est exposée à de grands risques 4.
Le processus de formation de nouvelles unités de production est permanent. Les unités
anciennes éclatent quand un de leurs membres décide d’acquérir son autonomie économique et
sociale par rapport aux aînés qui exploitent sa force de travail et celle des personnes qu’il contrôle.
‘En raison des progrès de l’individualisme, ces éclatements sont de plu5 en plus fréquents dès qu’un
groupe dépendant estime avoir atteint la capacité de produire seul les biens nécessaires à sa subsistance.
Au minimum, il suffit qu’un homme soit marié ; mais le plus souvent, la séparation n’a lieu
qu’après la naissance d’un ou de plusieurs enfants. Autrefois, un homme ne pouvait pas créer une
unité de production autonome avant d’avoir des enfants en âge de travailler.
Comme on l’a noté à propos de la mobilité de l’habitat, le processus d’éclatement des unités
de production est pour une large part déterminé par le système agraire - insuffisance des terres et
épuisement des sols. Mais aux motifs techniques et économiques s’ajoutent les motifs sociologiques
déjà inventoriés. La plupart des jeunes hommes désirent avec impatience accéder au statut de chef
d’exploitation :
« Puisque je travaille, pourquoi ne puis-je pas moi-même distribuer le mil ? Ma femme doit attendre notre
nourriture de la main de mon père (ou de mon frère). . . Mais « le repos sur la natte d’autrui ne vaut pas mieux que le
repos à même le sol ». Il est assurément préférable que chacun’ soit maître cher lui. >)
1. A Samba, les quatre cinquièmes des unités de production forment des enclos séparés.
2. IzARD-HÉRITIER et IZ.~RD, 1959 (p. 95), ont observé le même processus au Yatenga: « Les familles élémentaires
ont tendance à se diviser. Ce fractionnement n’est pas nouveau [. . .] mais [. . .] semble s’accélérer [. . .]. La fondation
d’une concession nouvelle en brousse correspond à un désir d’autonomie; la fondation d’une concession nouvelle
en brousse est liée, en plus, au désir et au besoin, pour des gens dépourvus de terres proches du village, d’être près des
terres qu’ils cultivent, c’est-àdire en fait, d’être installés sur ces terres. »
3. Deux cent cinquante personnes âgées de quinze à cinquante-neuf ans ont été recensées à Dakola; mais
dix-neuf d’entre elles ont été exclues du compte des travailleurs agricoles parce qu’elles ne participent pas aux cultures.
Etant donné la faiblesse numrique de l’échantillon, ce décompte a semblé nécessaire pour permettre une plus juste
appréciation de la superficie moyenne mise en culture par travailleur agricole. Une marge d’erreur inévitable subsiste
en raison du choix des limites d’âge de la catégorie des travailleurs : quelques enfants de moins de quinze ans travaillent
plus que certains adultes, les hommes entourés de nombreux dépendants sont parfois tentés de travailler moins, et des
vieillards seuls - surtout des vieilles femmes - sont souvent obligés de subvenir à leurs besoins par leur propre
travail. Comme il n’est pas possible de prendre en considération la multiplicité des cas particuliers, on a considéré que
les variations individuelles peuvent se compenser dans le cadre de la catégorie définie.
4. Pour l’ensemble des unités de production de Samba, le nombre moyen de travailleurs par unité est de 3,2.
Près de 40 y0 des unités de production comptent moins de trois travailleurs; les deux-tiers comptent trois travailleurs
ou moins, et regroupent près de la moitié de l’ensemble des travailleurs ; et 85 o/O des unités de production comptent
moins de cinq travailleurs.