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Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

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ANNEXES 209<br />

Il faudrait encore analyser quelles furent les conséquences directes de l’instabilité du pouvoir<br />

<strong>dans</strong> le domaine des activités de production. L’absence d’un programme d’intervention suivi, les<br />

initiatives intempestives de certains administrateurs, l’alternance de périodes de production forcée<br />

<strong>et</strong> de laisser+aller, <strong>et</strong> la mauvaise organisation de la commercialisation des produits de traite entraînèrent<br />

la réserve, voire l’opposition des populations. Dès que cela devenait possible au cours d’une<br />

vacance de l’autorité, les populations abandonnaient les obligations imposées <strong>dans</strong> le domaine des<br />

productions <strong>agricoles</strong> ; elles ne pouvaient toutefois pas r<strong>et</strong>rouver exactement les formes traditionnelles<br />

de l’organisation de la production, car la situation sociale s’était entre-temps dégradée <strong>dans</strong> son<br />

ensemble.<br />

Indépendamment de leur attitude générale de refus en face des entreprises coloniales, l’inertie<br />

que les cultivateurs ont opposée aux programmes <strong>agricoles</strong> de l’administration relevait parfois de la<br />

plus élémentaire prudence. C’est pour maintenir l’équilibre précaire de leur économie de subsistance<br />

qu’à juste titre ils ont refusé certaines innovations, dont les résultats leur paraissaient aléatoires r.<br />

En 1934, dix tonnes de semences de riz, en provenance de Bouaké, ont été enfouies sans résultat :<br />

« Ce riz n’a pas germé quel que soit le terrain où il était ensemencé <strong>dans</strong> toutes les parties du cercle [. . .]. Déçu,<br />

l’indigéne a semé du riz du pays, riz de marais. Celui-ci est bien venu 1) 2.<br />

La même année, la Société de prévoyance avait distribué des graines de soja: c<strong>et</strong>te culture (( n’a<br />

presque absolument rien donné en raison de la mauvaise qualité des semences (trop vieilles, elles<br />

avaient perdu leurs qualités germinatives). Là où les graines étaient de bonne qualité, les rendements<br />

ont été très faibles - de l’ordre de 200 kg à l’hectare N 2. Le rapport cité conclut que les efforts déployés<br />

par la Société de prévoyance <strong>dans</strong> les subdivisions de Koudougou <strong>et</strong> Yako - qu’ils aient porté sur<br />

l’arachide, sur le sésame ou le soja - « ont abouti à des échecs : [...] les indigènes sont incapables<br />

de rembourser les semences distribuées, [la Société de prévoyance] en sort appauvrie <strong>et</strong> son action<br />

s’en .trouve amoindrie 1).<br />

Enfin, la variation des prix fut une cause permanente du refus des cultivateurs de s’adonner<br />

aux cultures industrielles. Les rapports des administrateurs l’ont maintes fois relevé. En 1931, le prix<br />

d’achat officiel du kilogramme de coton était inférieur au tiers du prix moyen payé pour le kilogramme<br />

de mil: le coton était ach<strong>et</strong>é 0,50 francs CFA à Koudougou <strong>et</strong> 0,35 francs CFA à Yako, tandis que le<br />

mil était vendu au prix moyen de 1,50 francs CFA; un hectare de mil pouvait rapporter 900 francs<br />

CFA, mais une superficie égale cultivée en coton ne rapportait que 40 francs CFA environ - le<br />

rendement à l’hectare étant très faible. Un rapport économique de 1934, du cercle de Koudougou,<br />

précise à propos des produits d’exportation, qu’une production trois fois plus importante que celle<br />

des années précédentes a rapporté des revenus inférieurs de moitié 3. L’économie locale ne présentait<br />

aucune consistance propre en-dehors de la sphère de la subsistance, elle était absolument dominée<br />

par des structures économiques étrangeres <strong>et</strong> fluctuantes.<br />

1. Le même comportement se rencontre parfois jusqu’à l’heure actuelle à l’égard des programmes des sociétés<br />

d’intervention. L’encadreur qui se trompe continuera à percevoir son traitement pendant que le cultivateur <strong>et</strong> sa famille<br />

souffriront de la faim. Pour former des coopératives fictives <strong>et</strong> justifier ainsi l’obtention de financements extérieurs,<br />

n’a-t-on pas distribué de l’argent aux cultivateurs sans leur préciser qu’il s’agissait de crédits à rembourser <strong>et</strong> sans s’être<br />

inquiété des conséquences psychologiques, sociales <strong>et</strong> économiques de l’opération ? N’a-t-on pas vendu des instruments<br />

<strong>agricoles</strong> <strong>dans</strong> des localités où leur utilisation était techniquement sans intérêt, voire impossible? <strong>et</strong>c.<br />

2. Rapport économique, premier semestre 1934, Cercle de Koudougou, ms., Arch. C.V.R.S. Ouagadougou.<br />

3. Rapport économique, deuxième semestre 1934, Cercle de Koudougou, ms., Arch. C.V.R.S. Ouagadougou.<br />

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