Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

LES MODALITÉS DE LA PRODUCTION AGRICOLE 91
à remarquer que ces techniques ont’ été introduites par un habitant du quartier Zemkom, et que la
plupart des cultivateurs qui les ont empruntées par la suite sont du même quartier; l’innovation a
été apportée et propagée par des parents du chef du commandement régional, soit des personnes
qui n’ont eu longtemps que mépris pour les tâches agricoles. Ce groupe social à statut prééminent
est à l’heure actuelle plus entreprenant que les autres : parce qu’il échappe plus facilement aux diverses
modalités du contrôle social qui pèse sur la production, et parce qu’il se trouve moins englué dans les
habitudes du travail agricole qu’il n’a autrefois guère pratiquées.
Dans plusieurs localités proches de Dakola, et en particulier à Samba, on assiste depuis quelques
années à la création de nombreux vergers dans les bas-fonds. Ils abritent des jardins potagers, aussi
longtemps que l’ombre des arbres fruitiers n’est pas trop dense. L’arbre le plus commun dans ces
vergers est le manguier ordinaire, mais on y trouve aussi des manguiers greffés, des bananiers et des
goyaviers. Les jardins, ensemencés en riz durant l’hivernage, portent en saison sèche les cultures
jardinières énumérées plus haut, auxquelles s’ajoutent du manioc et quelques légumes d’introduction
européenne tels que pommes de terre, choux et tomîtes. Ils sont enclos d’épineux ou de branchages,
mais plusieurs cultivateurs essayent de constituer des haies vives. Durant la saison sèche, ces jardins
sont arrosés matin et soir, l’eau étant disponible à faible profondeur dans des puisards l.
La plupart de ces vergers et jardins ont été créés sur l’instigation du service de l’agriculture du
cercle de Yako, dont les agents ont trouvé audience auprès de quelques membres du lignage du chef
de Samba, auprès de plusieurs anciens combattants et du catéchiste. Ceux-ci ont été imités ensuite
par d’autres cultivateurs. L’exemple donné en ce domaine par des personnalités politiques et des
fonctionnaires originaires de la région a aussi contribué à stimuler l’esprit d’entreprise des individus
novateurs et à soutenir leur action. Extérieurs au milieu traditionnel par leur situation économique
et leur comportement, les hommes politiques et les fonctionnaires ont tenté d’atteindre un double
but en créant des vergers. Premièrement, établir à leur profit et aux moindres frais une source pennanente
de revenus par l’investissement d’une modeste part de leurs ressources monétaires, par le recours
peu onéreux aux formes traditionnelles d’organisation du travail, et en utilisant éventuellement les
moyens matériels de l’administration dont ils avaient le contrôle. En second lieu, ces personnalités
ont espéré trouver dans ces entreprises un moyen de restaurer ou de renforcer leurs liens avec leur
milieu d’origine. Elles se présentent comme les « enfants du pays qui connaissent et font connaître
les voies menant vers une société riche et heureuse )), et elles distribuent de l’argent ou des biens en
contrepartie des travaux réalisés à leur bénéfice.
B. - CALENDRIER AGRICOLE ET TEMPS DE TRAVAUX.
La morte-saison agricole, qui réserve de longues journées de repos au cultivateur fatigué par
les travaux de l’hivernage, est une saison de vie sociale intense. Les fêtes se succèdent: offrande
rituelle de la nouvelle bière de mil aux ancêtres, fête du chef du commandement régional, grande
sortie annuelle des masques sikoaba, funérailles solennelles. Les habitants des localités voisines se
rassemblent par centaines pour les grandes chasses collectives au bâton de jet et à l’arc. Les séances
de lutte et les marchés sont fréquentés avec assiduité. Jeunes et vieux voyagent à leur gré pour nouer
ou renforcer des relations d’amitié ou de parenté, arranger des mariages, ou simplement pour se
divertir. La nourriture est abondante, et les hommes se réunissent volontiers pour boire de la bière
de mil et converser. Cependant, la saison sèche est aussi le temps de certains travaux communautaires
ou artisanaux : creusage ou curage et réparation des puits, construction, rifection des toits de chaume,
1. Selon une acception impropre mais courante, le terme CC puisard 1) désigne ici des trous d’une profondeur
variant de 1 m à 4 m, selon le niveau de la nappe phréatique, creusés à nouveau chaque année, qui présentent généralement
une forme évasée en raison des éboulements permanents de leur bordure non aménagée.