Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

ANNEXES 187
leur capacité d’intervention dans le domaine matrimonial s’amoindrisse actuellement, elle demeure
importante. Outre les femmes données par des personnes désireuses de s’assurer par ce geste la bienveillance
et la protection des chefs, ceux-ci reçoivent un grand nombre des femmes exclues de leurs
patrilignages à la suite de fautes graves - par exemple un inceste, des adultères répétés, une grossesse
avant le mariage. Les chefs gardent pour eux-mêmes les femmes qui leur plaisent, ils en donnent
aux membres de leurs lignages qu’ils ont la charge de pourvoir, et les autres sont distribuées avec
l’exigence de la compensation matrimoniale pug-siure à des individus qu’ils veulent récompenser
et lier à leur personne. Ainsi, les chefs procurent habituellement une femme pugkure aux serviteurs
qui sont demeurés auprès d’eux depuis l’adolescence jusqu’à l’âge adulte ‘; ils distribuent des femmes
aux dignitaires de cour, aux détenteurs du pouvoir politique dans les localités, aux chefs de lignage
les plus influents, à des personnages importants dans l’ordre religieux, et même à des étrangers qu’ils
tentent de retenir ainsi dans leur commandement (riches commerçants par exemple). Tout chef se
trouve donc au centre d’un réseau de dépendants qui a pour fondement les circuits matrimoniaux,
et il l’utilise pour assurer le bon fonctionnement du système politique 2. BOUTILLIER (1964, p. 22) a
proposé l’hypothèse selon laquelle les liens de dépendance politique qui régissent la féodalité mossi
passent essentiellement par le contrôle de la circulation des femmes. Il est exact que les stratégies
matrimoniales jouent un rôle certain au niveau des structures et de l’exercice du pouvoir politique
régional, puisqu’elles assurent pour une part le maintien, le renouvellement ou l’instauration de
relations de dépendance. On ne relève toutefois pas de pratique systématique dans ce domaine. Si
les chefs utilisent les possibilités du système matrimonial en vue d’objectifs. qui leur sont propres -
pour consolider l’organisation du pouvoir centralisé -, les aînés des lignages tirent parti des mêmes
possibihtés pour accéder à des positions dont la prééminence au niveau des structures lignagères est
également d’essence politique. Le pouvoir central exploite à son avantage et sur une plus vaste échelle
une institution qui est en réalité un élément fondamental de l’organisation lignagère.
b) ANALYSE.
On distinguera d’abord les mariages pug-siure selon qu’ils sont conclus avec un individu
indépendamment de son chef de lignage ou bien avec un chef de lignage qui traite l’affaire au nom
de son lignage. Ensuite, seront analysés successivement les points suivants: appartenance socioethnique
des individus ou groupes donneurs de femmes pug-siure et des hommes mariés seIon la
coutume pug-siure, fréquence de ce type de mariage et polygamie, taux de mariages pugkure dans les
différents’groupes d’âge de femmes, relations entre la fréquence de ce type de mariage et la variation
des écarts d’âge entre les époux 3.
.
1. TIENDREBEOGO, 1964 (p. ZS), rapporte qu’à Ouagadougou, c le temps de service d’un soghoné était de neuf
ou de douze ans: On le libérait vers l’âge de dix-neuf ans et il recevait une épouse qui pouvait être une fille du chef s’il
avait donné toute satisfaction dans son service. 1)
2. Cf. SKINNER, 1960a (p. 22): « Women are used to establish economic, political and social relationships
between the chiefs and their subjects, and to incorporate strangers and captives into [the society]. >>
Durant l’époque coloniale, certains chefs ont tenté de placer sous leur contrôle les représentants locaux de
l’autorité administrative, en leur donnant des femmes: les relations matrimoniales devaient ainsi servir leurs desseins
politiques. Dans le bulletin mensuel de mars 1932, le commandant du cercle de Koudougou écrivait: c Je dois signaler
en bonne place le chef de Ramongo qui, pour se prémunir contre tout accident et être renseigné sur ce qui se passe à
Koudougou, a distribué 7 de ses filles ou parentes à des fonctionnaires indigènes, brigadiers ou gardes. Dès que le dossier
sera en état, je vous demanderai des mutations pour débarrasser le cercle d’agents qui n’ont plus aucune indépendance
vis-à-vis des chefs et qui, étant apparentés à eux, contre-carrent en dessous l’action du commandement. x (Arch.
C.V.R.S., Ouagadougou.)
3. Pour l’analyse des autres formes de mariage à partir des conclusions quantitatives de l’enquête, on suivra
la même démarche que pour l’analyse du mariage pug-siure.