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Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

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LE RÉGIME FONCIER 151<br />

par se transformer en droits de possession au fil des années - même s’agissant de terres antérieurement<br />

appropriées. Mais ces mutations des divers droits relatifs à la terre sont devenues exceptionnelles<br />

à mesure que le manque de terre a été ressenti plus vivement. Le système foncier est en voie de<br />

se figer.<br />

L’évolution du régime foncier a donc passé par les stades suivants: appropriation progressive<br />

de l’ensemble des terres de Dakola au fur <strong>et</strong> à mesure de l’implantation des différents lignages mineurs<br />

sur ce territoire <strong>et</strong> de l’accroissement de leurs besoins ; création d’un système de plus en plus rigide<br />

de transmission des droits de possession <strong>et</strong> d’usage faisant suite à un régime d’ajustements perrnanents<br />

des terres à l’intérieur des lignages ; apparition de diverses formes de prêts de terre perm<strong>et</strong>tant de<br />

répondre aux besoins réels ; puis morcellement des domaines lignagers entre les individus qui étaient<br />

reconnus détenteurs de droits d’usage hérités sur ces terres. Au domaine communautaire dulignage<br />

se sont substitués des soolem particuliers détenus par les divers chefs de famille. Ce processus de<br />

morcellement des possessions foncières est accéléré par le partage des terres comme biens d’héritage.<br />

Les transactions portant sur les terrains de culture constituent l’ultime étape remarquable<br />

de l’évolution du régime foncier. Il est certain que vendre la terre « est en quelque sorte incompatible<br />

avec le concept même de terre <strong>dans</strong> le droit coutumier » l, car la terre ancestrale est théoriquement<br />

inaliénable sous peine de graves sanctions sociales <strong>et</strong> religieuses. La terre sacrée ne doit pas être source<br />

de profit pour quelques-uns au détriment des autres. Et personne, à l’intérieur des lignages, n’avait<br />

autrefois autorité pour vendre une part des terres lignagères 2. En fait, le problème des transactions<br />

foncières ne se posait pas vraiment <strong>dans</strong> la société traditionnelle: on ne cherchait pas à ach<strong>et</strong>er des<br />

terres aussi longtemps qu’il était facile de trouver de la brousse libre ou d’emprunter gratuitement<br />

des terrains de culture 3. C’est seulement depuis que le manque de terre est devenu grave <strong>dans</strong> certaines<br />

localités, que la terre s’est transformée en un bien économique négociable ; mais c<strong>et</strong>te nouvelle<br />

caractéristique de la terre supplante peu à peu ses particularités traditionnelles. Plusieurs cas de vente<br />

de terrains de culture ont été notés au cours de l’enquête, <strong>et</strong> les archives du tribunal du premier degré<br />

de Yako contiennent les minutes de quelques procès concernant de telles ventes.<br />

Une certaine ambiguïté affecte parfois les transactions sur les terres : il arrive que le « vendeur N<br />

du terrain s’imagine qu’il s’agit d’un prêt à long terme à titre onéreux, tandis que l’ach<strong>et</strong>eur pense qu’il<br />

y a transfert des droits de possession. Sans doute les prêts à titre onéreux, également contraires à la<br />

coutume, ont-ils été institués avant les ventes <strong>et</strong> sont-ils jusqu’à présent plus fréquents 4: ces prêts<br />

constituent une étape entre le système traditionnel <strong>et</strong> un système foncier moderne. Comme le droit<br />

coutumier n’a pas entériné la pratique des ventes de terre, la validité de ces ventes est souvent contestée<br />

par les héritiers du vendeur. Mais les transactions sans équivoque <strong>et</strong> déjà anciennes sont assez nombreuses<br />

pour que la pratique de la vente des terres puisse être considérée comme un fait socio.<br />

économique important <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te région.<br />

Ainsi, aux environs de 1935, Guiguemdé Songainabin, cultivateur à Pilimpikou, a ach<strong>et</strong>é un<br />

champ de 43 ha pour mieux satisfaire les besoins croissants de sa famille. Le vendeur, Guiguemdé<br />

Tarpéko, de la même localité, s’est trouvé contraint à vendre c<strong>et</strong>te terre pour se procurer immédiatement<br />

de quoi nourrir les siens, menacés par une famine. Le prix du terrain a été fixé à trente mille<br />

cauris ; la moitié de la somme devait être versée sans délai, <strong>et</strong> le reste après une année de culture. Les<br />

deux versements ont été effectués devant naaba Tigré, chef du commandement régional, en présence<br />

de deux témoins ; <strong>et</strong> le chef a précisé que le vendeur perdait définitivement tous ses droits sur le terrain<br />

1. BOUTILLIER, 1964 (p.47).<br />

2. HAMMOND, 1966 (p. 77) : « No individual and no group has the right to alienate land. »<br />

3. OUEDRAOGO ~~PROST, 1948 (p. 18), notent à ce suj<strong>et</strong>: « Outre que le caractère collectif de la propriété ne<br />

facilite pas ces opérations [location ou vente de terrains de culture], <strong>dans</strong> la plupart des cas on ne trouverait pas d’acquéreur<br />

vu la grande étendue de la « brousse » <strong>et</strong> les multiples chances d’avoir ailleurs ce qu’on vous offrirait ici à prix<br />

d’argent. Et puis cela répugne à notre sens mossi. Cependant on signale, <strong>dans</strong> les régions de Yako, quelques cas de<br />

location de terrains exceptionnellement riches. »<br />

4. Dès 1937, on trouve mention <strong>dans</strong> les archives administratives de prêts de terre onéreux <strong>dans</strong> la région de<br />

Pilimpikou. Cf. par exemple, Dot. no 47.9.2.37, Yako, Arch. Yako.

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