Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

192 ACTIVITÉS AGRICOLES ET CHANGEMENTS SOCIAUX DANS L’OUEST-MO%1
B. - LE§ MARIAGES PAR CONSENTEMENT MUTUEL.
Le mariage par consentement mutuel n’a pas les mêmes implications sociales selon qu’il est
contracté avec une jeune fille enlevée de sa famille à l’insu de son père et contre son gré, avec une
femme évadée ou divorcée, ou avec une veuve libre. Dans l’ensemble, ces unions sont assez peu stables ;
les renseignements recueillis ne permettent malheureusement pas de préciser l’importance de la
polygamie diachronique.
1. Le mariage par enlèvement.
a) DÉFINITION.
Le mariage par consentement mutuel avec une jeune fille est souvent présenté par les nouvelles
générations comme le type de mariage préférable, qui devra se substituer aux autres formes de mariage.
Mais jusqu’à présent, ce type de mariage n’a guère de chance de se réaliser autrement que par enlèvement
de la jeune fille. Les aînés se plaignent des désordres sociaux qu’entraîne le mariage par rapt,
qui permet aux jeunes d’échapper à leur autorité; et ils estiment que l’accroissement progressif du
nombre de mariages de ce type est une cause et un indice certain du processus de dégradation rapide
du système social.
Jeunes gens et jeunes filles font connaissance et lient amitié aux marchés qu’ils fréquentent
presque quotidiennement durant la saison sèche r, ou à l’occasion des fêtes coutumières - notamment
aux funérailles solennelles. Moyennant quelques menus cadeaux, les jeunes filles obtiennent la compli-
. cité de leurs mères, ce qui facilite les sorties nocturnes. Pour passer une nuit avec leurs amants, elles
quittent l’enclos familial quand tout le monde est endormi et rejoignent les garçons venus les attendre,
puis ils partent ensemble à bicyclette ; le reste de la nuit est passé dans la case du jeune homme,
mais la jeune fille doit être de retour dans sa propre case avant l’aube. L’instauration et le maintien
de telles relations exigent que le garçon fasse des cadeaux à la jeune fille. Bien des jeunes filles ont
plusieurs amants et tentent d’obtenir de chacun -d’eux un maximum de cadeaux - notamment de
l’argent de la part des jeunes gens rentrant de Côte &Ivoire. Ces liaisons sont généralement instables
en raison de la concurrence qui règne entre les célibataires pour l’accès aux filles, et parce que celles-ci
changent de partenaires en fonction des profits qu’elles espèrent. Toutefois, certaines filles recherchent
le mariage par consentement mutuel: se sachant promises à un homme qui leur déplaît, elles s’arrangent
pour qu’un garçon de leur choix les enlève. Bien que contraires à la coutume, les relations
sexuelles avec des jeunes filles promises à des tiers sont fréquentes: elles ne mettent pas réellement
en question l’ordre social, elles permettent même de désamorcer l’agressivité que provoque le sentiment
de frustration chez les célibataires. Toutefois, ces relations préparent souvent les mariages par
enlèvement.
Un jeune homme ne peut pas choisir pour un mariage par enlèvement une jeune fille d’un
quartier proche du sien: à cause des pressions conjuguées que sont en mesure d’exercer sur lui les
deux lignages concernés et leurs alliés du lieu. Dans l’espace restreint occupé par une communauté
résidentielle, le respect des règles matrimoniales apparaît essentiel pour sauvegarder la paix sociale 2.
1. Dans de nombreuses localités, il y a des marchés tous les trois jours, à tour de rôle.
2. En 1968, au cours de la saison sèche, un célibataire appartenant au lignage Kologo de Tye, a enlevé une jeune
femme promise en mariage à un membre du lignage Zoungrana de Bouré. Après de longues discussions vaines, le chef
du lignage Zoungrana a décidé de rappeler à Bouré les douze femmes originaires de son lignage et mariées à des hommes
du lignage Kologo. Ces représailles ont amené les membres du lignage Kologo à faire pression sur leur jeune parent
pour qu’il rende la femme enlevée.