26.12.2013 Views

Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

168 ACTIVITÉS AGRICOLES ET CHANGEMENTS SOCIAUX DANS L’OUEST-MOSSI<br />

plus entreprenants <strong>et</strong> les plus riches vont accaparer les meilleures terres de culture, exploiter le travail<br />

des plus démunis <strong>et</strong> les dominer par le contrôle qu’ils sont en mesure d’exercer sur le crédit <strong>et</strong> sur<br />

l’utilisation de matériel agricole moderne. A mesure que s’élèvera le niveau technologique de l’agriculture,<br />

<strong>et</strong> parallèlement à la disparition progressive des modalités traditionnelles du contrôle<br />

social, l’exploitation systématique de la force de travail deviendra une source de profit <strong>et</strong> de puissance<br />

économique au bénéfice d’une catégorie privilégiée - c’est un processus banal de formation de classes<br />

sociales l.<br />

Le passage d’une économie de susbsistance à une économie de profit, <strong>dans</strong> une région où la<br />

terre est de plus en plus valorisée du fait de sa rar<strong>et</strong>é croissante, entraîne à bref délai des transformations<br />

profondes du régime foncier 2. Lorsque la terre vient à manquer par suite de l’expansion<br />

démographique <strong>et</strong> quand elle sert de moyen efficace pour l’acquisition individuelle d’argent <strong>et</strong> de<br />

biens modernes sans rapport avec les besoins de la subsistance communautaire, elle devient négociable.<br />

La terre est alors peu à peu dépouillée de ses aspects sacrés, <strong>et</strong> elle cesse d’être le bien commun<br />

inaliénable qui garantit fondamentalement la survie des communautés locales. Transformée en simple<br />

moyen de production <strong>et</strong> source de profit, elle est convoitée puis accaparée par les individus les plus<br />

puissants au détriment des autres. Divers indices montrent que ces transformations sont déjà en cours<br />

<strong>dans</strong> la région de Dakola, bien qu’elles n’apparaissent pas encore n<strong>et</strong>tement <strong>dans</strong> la transcription<br />

quantitative de la situation foncière actuelle.<br />

Dans le système traditionnel, les domaines fonciers étaient sous l’autorité des chefs de lignage<br />

(ou de segment de lignage), ils n’étaient gérés qu’en fonction de leur utilité agricole immédiate.<br />

L’unique objectif de c<strong>et</strong>te gestion était de garantir à tous les groupes locaux la possibilité.d’assurer<br />

leur subsistance. La terre n’était jamais manipulée à des fins de puissance politique ou économique.<br />

Le chef du commandement régional n’intervenait qu’exceptionnellement en matière foncière ;<br />

<strong>et</strong> les fonctions du maître de la terre étalent surtout religieuses. Un ensemble varié <strong>et</strong> souple de droits<br />

de culture perm<strong>et</strong>tait de résoudre les problèmes concr<strong>et</strong>s posés par l’accroissement numérique des<br />

différents groupes <strong>et</strong> par leur mobilité, ainsi que par les conditions techniques de l’exploitation des<br />

sols. Par la suite, le régime foncier s’est précisé <strong>et</strong> affermi à mesure que le manque de terre s’estaggravé,<br />

mais il a conservé apparemment jusqu’à présent ses principales caractéristiques anciennes. L’importance<br />

des superficies cultivées au titre des divers droits d’usage, mise en rapport avec l’égalité relative<br />

<strong>dans</strong> la répartition des droits de possession au niveau des grandes unités sociales, manifeste encore la<br />

remarquable souplesse passée du régime foncier, <strong>et</strong> notamment son adaptation à la mobilité des<br />

exploitations. Même <strong>dans</strong> le cas d’une distibution égalitaire des droits de possession sur la terre entre<br />

plusieurs unités sociales, une partie importante des champs est cultivée indépendamment des droits<br />

de possession, <strong>et</strong> seulement au titre de droits d’usage ; <strong>dans</strong> le cadre d’un espace restreint de plus en<br />

plus occupé, la mobilité des exploitations aboutit nécessairement à un tel état de fait. Le rôle primordial<br />

des droits d’usage n’est pas lié à une inégalité foncière initiale <strong>et</strong> permanente, mais il découle<br />

du fait qu’aucun exploitant n’a la jouissance réelle de l’ensemble des terres qui lui appartiennent;<br />

chacun se voit contraint de solliciter des droits de culture à des tiers, pour compenser les droits de<br />

culture qui s’appliquent à ses propres terres au bénéfice de tiers.<br />

BOWTILLIER a noté que la proportion des champs prêtés progresse parallèlement à l’accrois*<br />

sement de la densité de la population, en même temps que tendent à diminuer les superficies cédées<br />

1. Les inégalités économiques demeurent faibles aussi longtemps que le bas niveau technologique du travail<br />

empêche la production d’une quantité de biens supérieure à celle exigée pour la satisfaction des besoins de subsistance.<br />

Cf. HAMMOND, 1966 (p. 211) : « The absence of social stratification in <strong>Mossi</strong> soci<strong>et</strong>y is also to be understood as aresult<br />

of the relative unproductivity of <strong>Mossi</strong> technology, and of the accompanying economic system which inhibits the private<br />

accumulation of whatever surpluses there are. »<br />

2. Cf. PAULME, 1963 (p. 21) : e L’apparition d’une économie mercantile, entraînant d’une part le désir de<br />

s’enrichir sans limites <strong>et</strong> d’acquérir des biens jusque là ignorés, d’autre part laissant entrevoir la possibilité de tirer un<br />

bénéfice du travail que d’autres exécutent pour vous, ébranle tout le système des tenures foncières <strong>et</strong> à travers lui<br />

l’équilibre des structures sociales. 1)<br />

Cf. aussi GOSSELIN, 1963 (p. 532).

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!