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Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

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170 ACTIVITÉS AGRICOLES ET CHANGEMENTS SOCIAUX DANS L’OUEST-MOS3<br />

informateurs ne nous ont rapporté aucun mythe original <strong>et</strong> important au suj<strong>et</strong> de l’agriculture ;<br />

quelques histoires anecdotiques seulement.<br />

Pour annoncer aux doyens de lignage la naissance de leur premier fils, les <strong>Mossi</strong> de la région<br />

de Dakola attachent une flèche sur le dos d’un poul<strong>et</strong> qu’ils vont j<strong>et</strong>er <strong>dans</strong> la cour des doyens ;<br />

quand le premier enfant est une fille, c’est un fuseau à filer le coton qui est fixé sur le poul<strong>et</strong>. C<strong>et</strong>te<br />

coutume doit rappeler le passé guerrier des <strong>Mossi</strong> ; elle exalte la force qui est un des fondements du<br />

système des valeurs de c<strong>et</strong>te société. L’opinion commune place en eff<strong>et</strong> la bravoure physique au-dessus<br />

de l’ardeur au travail, <strong>et</strong> l’homme vivant des ressources d’une activité guerrière a toujours été considéré<br />

comme supérieur au simple cultivateur. Au somm<strong>et</strong> de la hiérarchie sociale se trouvent les chefs <strong>et</strong><br />

les dignitaires de cour, qui commandent mais ne travaillent pas aux champs. Autrefois, les parents<br />

des chefs vivaient surtout de rapines - le quartier Zemkom de Dakola était réputé pour les vols<br />

commis par ses habitants. Les privilégiés qui peuvent user de la force pour se procurer leur nourriture<br />

se dispensent volontiers de cultiver. Nombreux sont en eff<strong>et</strong> ceux qui estiment que l’agriculture n’est<br />

qu’un pis-aller, auquel doivent se résoudre les individus dépourvus de toute autre possibilité pour<br />

assurer leur subsistance. Le but des cultures est d’assurer la survie - ce qui est certes fondamental;<br />

mais l’agriculture n’introduit pas <strong>dans</strong> les domaines les plus valorisés de la vie sociale. Dans la situation<br />

traditionnelle, la puissance sociale ne pouvait en aucun cas résulter directement d’une supériorité<br />

économique acquise individuellement ou en groupe grâce à l’agriculture ; toute tentative de ce genre<br />

aurait présenté les pires dangers pour l’individu ou le groupe qui s’en serait rendu coupable. Or la<br />

situation actuelle demeure largement déterminée par des modèles <strong>sociaux</strong> traditionnels.<br />

Depuis la colonisation, l’évolution de c<strong>et</strong>te société a été essentiellement déterminée par des<br />

facteurs politiques. Les divers domaines de la vie économique ont été profondément marqués par les<br />

transformations survenues <strong>dans</strong> les modalités d’exercice du pouvoir, ils n’ont guère connu de développement<br />

important sous l’influence prépondérante de facteurs techniques ou économiques. Ainsi,<br />

l’évolution des formes d’organisation du travail ne peut pas être expliquée par des innovations<br />

techniques, puisque les techniques de production n’ont presque pas varié ; ni par un bouleversement<br />

spécifiquement économique, car les principes traditionnels de l’économie de subsistance commandent<br />

encore la vie économique - même les quelques secteurs marginaux qui ont les apparences dune<br />

économie commerciale l. Les transformations des formes d’organisation du travail ont surtout résulté<br />

d’une évolution des rapports de force à l’intérieur de c<strong>et</strong>te société, en sorte que c’est l’analyse des<br />

avatars de l’autorité <strong>et</strong> de la conscience politique concrète qui peut le mieux introduire une explication ’<br />

des transformations socio-économiques.<br />

L’accroissement du pouvoir des chefs par l’administration coloniale a inauguré une crise profonde<br />

<strong>et</strong> généralisée de l’autorité, qui a eu pour conséquence un processus d’éclatement social <strong>et</strong><br />

1’ apparition sous de multiples formes d’une grave insécurité psychologique. A un système d’autorité<br />

intégré, intériorisé par les populations, s’est substitué un systèm.e d’autorité incohérent. Des déterminations<br />

extérieures étrangères ont été directement opposées aux déterminations traditionnelles.<br />

A la base, la voie suivie pour résoudre ces contradictions s’est caractérisée en même temps par un<br />

repli des populations sur leurs univers traditionnel menacé - maintien de l’économie de subsistance<br />

notamment -, <strong>et</strong> par un comportement collectif radicalement aliéné <strong>dans</strong> les domaines où la force<br />

étrangère s’imposait de façon inexorable - exécution des travaux forcés par exemple. Mais c<strong>et</strong>te<br />

double démarche ne pouvait pas sauvegarder l’unité sociale progressivement minée par la lente<br />

décomposition du système d’autorité qui fondait l’ordre traditionnel. Car au somm<strong>et</strong>, il n’était guère<br />

possible aux chefs de concilier les exigences de l’administration avec celles de l’ordre social ancien<br />

dont ils devaient être les garants au nom des ancêtres. Et c’est ainsi que la distorsion subie au niveau<br />

le plus élevé <strong>et</strong> le plus efficace de la hiérarchie sociale a été progressivement transmise à l’ensemble<br />

de la société. De c<strong>et</strong>te manière on peut expliquer des phénomènes sociologiques apparemment contradictoires<br />

comme les processus d’éclatement social <strong>dans</strong> le cadre d’une société continuant à vivre en<br />

économie de subsistance, la dissolution de l’autorité à tous les échelons de la hiérarchie <strong>dans</strong> une<br />

1. Au Yatenga, HAMMOND, 1966 (p. ZO), a fait la même observation concernant le défaut d’innovation technologique<br />

<strong>et</strong> de changement économique.

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