Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

ANNEXES 181
d’exogamie. Lorsqu’un quartier ne comprend que des membres d’un même lignage, l’exogamie est
absolue; mais elle est également habituelle dans les quartiers qui regroupent plusieurs lignages ou
segments de lignage : soit que les alliances contractées par ces groupes dans le passé aient épuisé les
possibilités d’union en généralisant la consanguinité, soit tout simplement en vertu d’une exogamie
que l’on pourrait qualifier de géographique. Lorsqu’une localité ne comprend que quelques quartiers
de faible importance numérique, la règle d’exogamie rend souvent impossible les échanges matrimoniaux
à l’intérieur de la localité: « En beaucoup de régions du pays mossi, écrit PAGEARD (1966,
p. 116), l’exogamie est déjà beaucoup plus de village que de quartier ». Les empêchements de mariage
se multiplient donc en même temps que les alliances matrimoniales entre groupes sociaux. Théoriquement,
ce processus entraîne un blocage progressif du système des échanges matrimoniaux.
Comme le savoir généalogique ne remonte que rarement au-delà de la quatrième génération, la
« limitation de la mémoire ôte à la règle d’exogamie une partie de ses inconvénients » (PAGEARD,
1966, p. 120) l. Les liens de consanguinité utérine sont oubliés plus rapidement que les liens contractés
par l’intermédiaire de la lignée paternelle. Les empêchements de mariage ne peuvent se référer à un
ancêtre éloigné que dans les cas où les traditions orales rapportent des données généalogiques : pour
les parents des chefs en particulier, et pour les descendants des fondateurs de nouvelles unités
sociales. Les lignages du commun ne retiennent des généalogies que les informations concernant
les groupes avec lesquels ils entretiennent un commerce social important; sauf exception, ces groupes
appartiennent à une même aire géographique restreinte.
2. - L’AIRE DES RELATIONS MATRIMONIALES.
Les mille trois cents femmes mariées à Pilimpikou sont originaires de près de quatre-vingt-dix
localités, situées en majorité à moins de 25 km de Pilimpikou. Mais plus des quatre cinquièmes de
ces femmes proviennent de seize localités appartenant aux cantons de Samba - sept localités -,
Dakola - cinq localités -, Nanoro - trois localités -, et au Konkistenga - une localité. L’aire
des relations matrimoniales s’inscrit donc dans un espace assez bien circonscrit, étiré d’est en ouest,
mais de faible hauteur, et qui correspond à l’axe principal des échanges de biens et de services à
l’intérieur du canton de Samba 2. La piste qui traverse le massif birrimien de Lantaga à Samba, voie
historique de la pénétration mossi, relie au chef-lieu du commandement régional un ensemble de
localités qui regroupent la moitié de la population du canton.
Les groupements locaux nouent entre eux des relations à l’occasion des marchés et des fêtes,
et lors des séances de travail communautaire. De nombreuses amitiés sont nées autrefois sur les
chantiers de travaux prestataires, où l’entraide était d’autant plus précieuse que les conditions de vie
étaient plus dures. Par ailleurs, des relations s’établissent à l’occasion des manifestations de la vie
politique, lors des fêtes ou des déplacements des chefs ou, de façon plus banale, à l’occasion des séances
1. HAMMOND, 1966 (p. llO), a également remarqué que les limites de la mémoire généalogique des lignages
du commun présentent des aspects positifs: K The attitude of the Mossi toward this genealogical ignorance, despite
the attention they give to kinship, is reflective of the functional unimportance, perhaps even the functional advantage
of such ignorance. 1)
2. IZARD-HÉRITIER et L~ARD, 1958 (p. 33), ont noté à propos des aires matrimoniales, que (( le groupe au sein
duquel s’effectuent les prestations matrimoniales est généralement peu étendu, il dépasse rarement trois à cinq villages 1).
Cf. PAGEARD, 1966 (p. 135): u Dans les cas étudiés, le champ géographique des échanges matrimoniaux a un rayon
maximum d’une trentaine de kilomètres; la plupart des alliances se font néanmoins dans un rayon de l’ordre d’une
dizaine de kilomètres. »
L’aire des relations matrimoniales de Pilimpikou est sans doute plus large en raison du volume démographique
exceptionnel de cette localité. Les facilités de communication apportées par l’usage de plus en plus répandu des bicyclettes
ont pour conséquence une extension des aires matrimoniales.