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Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

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LE RÉGIME FONCIER 141<br />

Le teng’sobu, maître de la terre, est le prêtre du tenga <strong>et</strong> du tempeelem. II a la charge des plus<br />

importants rituels relatifs à la terre. Par ailleurs, il est le témoin autorisé des modalités concrètes de<br />

l’usage du sol, <strong>et</strong> il est habilité à trancher les litiges qui surgissent à propos de la terre.<br />

Toute discorde à propos de la terre sacrée étant essentiellement impie, le maitre de la terre est<br />

investi de la charge de prévenir ce genre de discordes <strong>et</strong> - si nécessaire - de restaurer l’ordre religieux<br />

<strong>et</strong> social. De ce point de vue, les pouvoirs du maître de la terre se relient davantage à une conception<br />

religieuse qu’à des notions strictement juridiques. Le prêtre de la terre intervient pour la réconciliation<br />

entre les hommes <strong>et</strong> pour la paix avec les ancêtres <strong>et</strong> la terre qui les abrite, plutôt que pour le respect<br />

d’un droit foncier constitué dont il serait légalement le dépositaire <strong>et</strong> le garant r.<br />

Des emplacements réservés, de nombreux autels, tenkuga 2, des bois sacrés, des cavités naturelles<br />

sont affectés au culte de la terre. Des sacrifices sont régulièrement offerts à la terre <strong>et</strong> aux puissances<br />

qui l’habitent: pour qu’elles accordent la santé <strong>et</strong> la force aux individus <strong>et</strong> aux groupes, la fécondité<br />

aux femmes, l’entente sociale, des pluies en temps opportun <strong>et</strong> la reproduction des animaux domestiques<br />

<strong>et</strong> de tout bétail, <strong>et</strong> pour qu’elles pardonnent aux hommes les fautes commises à leur égard<br />

transgressions d’interdits ou parjures. La terre se trouve associée à tous les rituels, elle recueille<br />

Ï- e sang des animaux égorgés <strong>et</strong> les diverses libations qui accompagnent les prières adressées à Dieu,<br />

aux ancêtres <strong>et</strong> aux génies. Autrefois, un culte était organisé chaque année pour célébrer solennellement<br />

la terre <strong>et</strong> en même temps l’anniversaire des funérailles de la mère du fondateur de l’empire<br />

mossi, naaba Oubri 3. C<strong>et</strong>te fête, tengana (de tengu), appelée à Ouagadougou tense (pl. de tenga) ou<br />

naubu-Oubri-ma-Kure (de na~b~ : chef, ma : mère, kure: funérailles), a été interdite par le pouvoir<br />

colonial qui, d’après SKINNER (1964, a p. 130), voulait ainsi disloquer la cohésion du peuple mossi.<br />

La terre, qui est à l’origine de toute abondance, est aussi une puissance dangereuse intervenant<br />

directement <strong>dans</strong> différentes formes du contrôle social. Toute offense faite à la terre entraîne les<br />

sanctions les plus graves, c’est-à-dire la dégénérescence des forces vitales: maladies <strong>et</strong> stérilité, puis<br />

mort de l’individu coupable, dépérissement de sa famille <strong>et</strong> des groupes complices, tension sociale,<br />

<strong>et</strong> calamités naturelles. Ces dangers, qui inspirent les plus sérieuses craintes aux individus <strong>et</strong> aux<br />

groupes, renforcent la cohésion sociale ; ils sont souvent invoqués pour résoudre les conflits graves.<br />

Dans toute controverse importante, la terre peut être prise à témoin par un interlocuteur qui veut<br />

prouver sa bonne foi. R. PAGEARD écrit à ce suj<strong>et</strong>:<br />

(( La terre est, avec la foudre, un grand arbitre <strong>et</strong>, malgré la réprobation que ce procédé inspire aux chefs, les<br />

« tinsé » <strong>et</strong> les K tenkouga » sont quelquefois invoqués pour établir la culpabilité ou l’innocence d’une personne. La<br />

mort du suspect <strong>dans</strong> le délai fixé par l’accusateur est attribuée à la justice de la terre <strong>et</strong> des ancêtres » 4.<br />

La terre, entité sacrée, est en même temps la terre matérielle divisée en territoires <strong>et</strong> en terroirs<br />

soumis à diverses formes de contrôle d’origine sociale. L’organisation du commandement mossi<br />

1. Le maître de la terre est en quelque sorte le possesseur religieux du terroir, mais il n’en est en aucune manière<br />

le propriétaire. Cf. IZARD-HÉRITIER <strong>et</strong> IZARD, 1959 (p. 65): (( La possession de la terre par le tengsoba est d’essence<br />

religieuse ; garant de l’intégrité du terroir du village, il préside aux principales cérémonies traditionnelles liées à la terre :<br />

sacrifices préliminaires aux semailles, inhumations, <strong>et</strong>c. ))<br />

2. Tenkugri (pl. tenkuga) (de tenga: terre, <strong>et</strong> de kugri: pierre) : autel dédié à la terre.<br />

3. SKINNER, 1964a (p. 130), propose une interprétation intéressante de l’association du souvenir des funérailles<br />

de la mère de naaba Oubri au culte de la terre: cc The juxtaposition and association of the earth deity with Oubri’s<br />

mother has important implications for the <strong>Mossi</strong> political organization. <strong>Mossi</strong> traditions hold that aNinisiwoman<br />

was the ancestress of the <strong>Mossi</strong> of Ouagadougou. Her people probably celebrated the Tense as a fertility rite to their<br />

earth goddess, Tenga. The <strong>Mossi</strong> apparently took over the ceremony and used it both as a fertility rite and as a memorial<br />

festival, thus symbolically uniting the conquerors and the conquered. 1)<br />

4. PAGEARD, 1963 (p. 51).<br />

Le R.P. MANGIN, 1960 (p. 43), cite un exemple précis de recours à la terre en vue d’obtenir justice: c Si celui<br />

qui est accusé d’avoir une d<strong>et</strong>te envers un individu mort récemment, nie c<strong>et</strong>te d<strong>et</strong>te, l’héritier peut le conduire à la<br />

tombe <strong>et</strong> l’obliger à boire de l’eau <strong>dans</strong> laquelle a été délayée de la terre du tombeau. C’est une épreuve très redoutée,<br />

car les <strong>Mossi</strong> croient que le mort viendra se venger. »<br />

Les conséquences d’un parjure sont d’autant plus redoutables, qu’elles peuvent porter au-delà de la mort ellemême<br />

: d’après Coutumes messies.. . , 1933 (an. p. XVI <strong>et</strong> XVIII), K la personne supposée tuée par le tinsé (la terre) n’est<br />

pleurée par aucun membre de sa famille <strong>et</strong> n’a même pas de funérailles B. Cf. aussi HAMMOND, 1966 (p. 145).

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