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Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

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140 ACTIVITÉS AGRICOLES ET CHANGEMENTS SOCIAUX DANS L’OUEST-MOSSI<br />

La terre est dite « épouse de Dieu » l, elle constitue spirituellement la puissance femelle fondamentale,<br />

principe <strong>et</strong> symbole de toute fécondité: la terre est sacrée. Pour comprendre les fondements<br />

du régime foncier il n’est toutefois pas nécessaire de tenter ici la difficile entreprise de préciser le statut<br />

exact de la terre <strong>dans</strong> la théologie mossi, ou sa place <strong>et</strong> sa fonction <strong>dans</strong> la cosmogonie. Les formalisations<br />

théologiques n’aboutissent qu’à des résultats peu utiles pour c<strong>et</strong>te recherche ; elles dépassent<br />

abstraitement le contenu vécu des consciences, les connaissances partielles <strong>et</strong> disparates qui inspirent<br />

les comportements concr<strong>et</strong>s de la majorité des individus. Les informations consignées ci.dessous<br />

résultent de l’observation du comportement quotidien des cultivateurs par rapport à la terre; elles<br />

expriment des croyances banales qui déterminent directement les modes d’utilisation du sol.<br />

Principale source des biens qui assurent l’existence, la terre est considérée comme dispensa+<br />

trice ordinaire de la vie. Lieu de repos des ancêtres qui ont transmis la vie, <strong>et</strong> demeure des génies<br />

kinkirsi qui jouent un rôle primordial <strong>dans</strong> la procréation 2, la terre constitue en quelque sorte la<br />

r<strong>et</strong>raite où les forces surnaturelles des existences passées sont recueillies <strong>et</strong> conservées actives, <strong>et</strong> une<br />

réserve de principe vital pour chaque incarnation future. La terre produit les récoltes <strong>et</strong> elle assure<br />

la fécondité pour la survie des groupes. Les puissances au sein de la terre - la force de la terre, teng~<br />

pangu - déterminent les possibilités de toute vie actuelle <strong>et</strong> sont chargées de l’ensemble des pro*<br />

messes d’avenir. Ainsi, la terre est la matrice de chaque forme de vie; <strong>et</strong> l’homme est nécessairement<br />

en rapport permanent avec elle, car les liens qui Punissent à elle sont essentiels.<br />

A tout vivant doit être concédé suffisamment de terre pour les besoins de sa subsistance. Et<br />

tout cadavre doit normalement être enterré. Parce que la terre est source universelle de vie, personne<br />

n’est autorisé à l’accaparer au détriment d’autrui. L’accès à la terre ne peut pas être interdit à un<br />

homme s’il n’a pas commis une faute impardonnable. Mais si une faute grave a entraîné une rupture<br />

irrémédiable entre l’individu <strong>et</strong> la société (qui comprend les vivants <strong>et</strong> les morts), le coupable est<br />

chassé au loin pour subir son anéantissement social; autrefois il était mis à mort, lapidé ou assommé,<br />

<strong>et</strong> son cadavre était abandonné sans sépulture sur les lieux du supplice. La terre, les ancêtres <strong>et</strong> la<br />

société des vivants sont intimement unis ; celui qui est rej<strong>et</strong>é par la soci<strong>et</strong>é en vertu des traditions<br />

ancestrales ne doit pas être recueilli au sein de la terre. Mais la terre constitue un lien fondamental<br />

entre les ancêtres <strong>et</strong> ceux qui vivent selon les traditions. Pour demeurer unis à la terre de leurs ancêtres<br />

<strong>et</strong> aux parents qui continuent à vivre sur c<strong>et</strong>te terre, ceux qui partent fonder au loin un nouveau<br />

quartier emportent avec eux un peu de terre de leur localité d’origine 3. Et tout homme souhaite<br />

pouvoir être enterré un jour auprès des siens 4.<br />

Investie de multiples forces, la terre est obj<strong>et</strong> de culte. En tant que tengu, la terre est l’élément<br />

matériel auquel sont intimement mêlés les corps <strong>et</strong> les esprits des ancêtres : (( Tout homme naît de<br />

la terre, vit par la terre, r<strong>et</strong>ourne <strong>dans</strong> la terre ; la terre a nourri <strong>et</strong> a repris les ancêtres )). Le terme<br />

tempeelem 6 désigne l’être de la terre, matérialisé <strong>dans</strong> l’espace par l’existence de territoires particuliers.<br />

Ce concept recouvre à la fois une réalité ontologique <strong>et</strong> une réalité géographique, déterminée par une<br />

organisation politique. Le tempeelem de chaque localité inclut le tenga, le précise <strong>et</strong> l’idéalise en même<br />

temps, en fournissant un support matériel <strong>et</strong> surnaturel à l’organisation de la vie sociale.<br />

1. LAMBERT, 1907 (pp. 184-185): « On dit aussi que la terre (Tenga) est la femme de Dieu (Wendé parha)<br />

<strong>et</strong> [que] les hommes (neba) sont les enfants de la terre (Tenga kamba) [. . .]. La terre fécondée par le soleil a donné<br />

naissance à la vie. »<br />

ILBOUDO, 1966 (p. 3) : (( [La terre] sera dite e Reine-Terre » (Napagha Tenga) ou épouse du Dieu-Soleil (Wende<br />

Pagha Tenga). x<br />

2. Toute femme qui souhaite se trouver enceinte s’efforce de plaire aux génies kinkirsi pour que l’un d’eux<br />

vienne en elle <strong>et</strong> devienne son enfant. Chaque homme a son kinkirgu particulier depuis le moment de sa conception.<br />

3. ISARD-HJ~RITIER <strong>et</strong> EZARD, 1959 (p. 63), ont fait la même constatation au Yatenga: « Théoriquement, tout<br />

groupe qui quitte son village pour s’installer ailleurs emporte avec soi une partie de la terre du tenga; sans terre, on ne<br />

peut créer un village. »<br />

4. « Afin de dormir près des siens son dernier sommeil, un indigène quand il sent ses forces diminuer, construira<br />

parfois ses cases en pleine brousse, au lieu où s’élevait autrefois le village, aujourd’hui abandonné, où vécurent<br />

ses ancêtres)), MANGIN, 1960 (p. 102).<br />

5. Tempeelem /de tenga, terre, <strong>et</strong> de peelemj

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