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Activités agricoles et changements sociaux dans l'Ouest Mossi ...

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104 ACTIVITÉS AGRICOLES ET CHANGEMENTS SOCIAUX DANS L’OUEST-MOSSI<br />

à travers les champs de mil l. Ensuite, le propriétaire du ku-tiigd lave les pattes du chien avec de l’eau,<br />

qui est aussitôt recueillie <strong>dans</strong> un récipient. Une partie de c<strong>et</strong>te eau doit être versée <strong>dans</strong> le ka-tiiga,<br />

qui sera ensuite enterré <strong>dans</strong> le champ ; avec le reste, le cultivateur ira asperger ses cultures à l’aide<br />

d’un p<strong>et</strong>it balai, en demandant aux génies kinkirsi de son champ <strong>et</strong> des autres champs de lui apporter<br />

les mils dont l’âme est contenue <strong>dans</strong> l’eau répandue.<br />

Enfin, avec un autre ku-tiigu, il suffit qu’au moment des récoltes le cultivateur s’installe à<br />

l’intérieur de son grenier découvert, <strong>et</strong> qu’il appelle avec d’amples gestes des bras l’âme des mils qui<br />

sont en cours de ramassage aux alentours : son propre mil « gonfle » alors jusqu’à remplir son grenier.<br />

Le kd-tiiga n’a pas une efficience mécanique. Son efficacité peut même être subordonnée à<br />

des conditions matérielles de production. Tel ka-tiigu qui dispense des sarclages d’entr<strong>et</strong>ien n’est<br />

opérant qu’à condition qu’aucune mauvaise herbe ne subsiste après le premier sarclage ; on doit alors<br />

, se contenter d’un p<strong>et</strong>it champ, de manière à pouvoir le sarcler avec soin. D’autre part, le ka-tiiga<br />

est le siège d’une force ambigu? <strong>et</strong> dangereuse : il peut provoquer des maladies, la stérilité des femmes,<br />

la mortalité des enfants <strong>et</strong> des adultes. Certains cultivateurs se débarrassent de leurs ka-tiise à la suite<br />

d’une succession de malheurs survenus <strong>dans</strong> leurs familles a.<br />

L’emploi des ku-tiise est généralement désapprouvé parce qu’il cause une perturbation de<br />

l’ordre naturel <strong>et</strong> social. Et l’on peut recueillir sur l’efficacité des kc&ise une version officielle <strong>et</strong> mora-<br />

Gisante, selon laquelle il n’existe pas de ku-tiiga pour faire fructifier le champ du paresseux ou une terre<br />

stérile : ce sont les bons sols, les pluies <strong>et</strong> la peine des hommes, bénie par les ancêtres, qui produisent<br />

les récoltes abondantes. Voici comment ce propos est illustré: un cultivateur demande un htiigu<br />

à un vieillard, celui-ci lui commande de prendre une grande calebasse à semer <strong>et</strong> de la remplir de sa<br />

sueur par le travail aux champs.<br />

Quelle est la portée réelle des croyances relatives aux kd-dise ? Elles perm<strong>et</strong>tent de dénoncer<br />

ceux qui, par une grosse production agricole, veulent acquérir une puissance économique convertible<br />

en prééminence sociale. L’accusation d’utiliser un mauvais ku-tiigu est en eff<strong>et</strong> utilisée comme une<br />

arme contre les cultivateurs qui, par leurs agissements, risquent d’ébranler l’ordre traditionnel 3.<br />

D’après les vieillards de Dakola, ces croyances ont aujourd’hui une plus grande importance sociale<br />

qu’autrefois: il est plus fréquent de voir des cultivateurs soupçonnés de faire usage de mauvais<br />

kuptiise, les pratiques magiques se multiplient. Cela est lié à la détérioration générale de l’ordre traditionnel<br />

: la disparition progressive des exigences communautaires sous l’influence d’un individualisme<br />

croissant entraîne une insécurité sociale, qui se manifeste à la fois <strong>et</strong> contradictoirement par l’exercice<br />

<strong>et</strong> la condamnation des pratiques magiques. L’étude des kcMise montre que les activités <strong>agricoles</strong> ne<br />

se réduisent pas, pour le cultivateur mossi, à l’utilisation rationnelle des seuls facteurs de production,<br />

<strong>et</strong> elle décrit un moyen employé par c<strong>et</strong>te société pour défendre l’ordre traditionnel. Mais surtout,<br />

c<strong>et</strong>te étude révèle une situation d’insécurité très significative.<br />

1. Dans Coutumes messies . . .. (1933, p. 84), on lit que le cultivateur mossi (( ne perm<strong>et</strong>tra jamais à un autre de<br />

traverser son champ en y pratiquant un passage, ce qui, à ses yeux, serait faciliter à ses ennemis de lui j<strong>et</strong>er des sorts,<br />

de l’envoûter ou de lui enlever l’âme (siga) de son mil >).<br />

2. La même situation peut se présenter avec d’autres obj<strong>et</strong>s magiques ou religieux, sièges d’une puissance<br />

ambiguë. A Dakola, on raconte l’histoire récente d’un masque sikoa qui a provoqué une succession de malheurs <strong>dans</strong><br />

la famille de son propriétaire.<br />

3. RAULIN, 1963a (p. 50), a observé qu’au Niger aussi, des accusations de sorcellerie étaient lancées «contre<br />

ceux qui étaient soupçonnés de capitaliser sans redistribuer ».

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