Bulletin des Commissions royales d'art et d'archéologie

qiieurs nous ont Iransniis le souvenir. C'est en vain que les
réformateurs de Citeaux prohibaient ces orfèvreries artis-
lifiues, et avec elles la peinture et la sculjjture, comme étant
contraires à l'humilité. Saint Bernard, entre autres, l'austère
fondateur de l'abbaye de Villers, en Brabant, se récriait
contre ce luxe des monastères de son temps de la manière
la plus énergique, « moine,-— dit-il, — je m'adresse à des
» moines » , et l'on peut considérer comme des révélations les
plaintes qu'il adressa par écrit au vénérable abbé Guillaume,
liégeois de naissance, qui gouvernait alors (115'2-il55)
l'abbaye des bénédictins de Saint-Thiéri du Mont-d'Or, près
de Reims. Elles étaient parlaitemeni applicables aux riches
couvents de l'ordre de Saint-Benoit situés en Hainaut, en
Ailois, au pays de Liège, etc., et rien ne dépeint si bien les
tendances artistiques de celte époque. D'abord il critique les
dimensions des oratoires, les scul|)lures et les peintures ipii
les ornent; il s'élève contre les merveilleuses richesses et
l'éclat fascinateur des reliquaires, le luxe de sculpture des
pavements, etc., et c'est tout au |)lus s'il tolère toutes ces
choses à l'inlérieur des égli.ses. A l'entendre, on croirail voir
s'étaler devant soi ces sculptures fantastiques tirées des
bestiaires dont il subsiste encore tant d'exemples.
« A quoi sert, — s'écric-t-il en terminant sa longue Apo-
)> logia à l'abbé de Saint-Thiéri, — à quoi sert d'étaler dans
» les cloîtres, devant les frères qui lisent, ces monstruosités
» ridicules et ces difformités exécutées avec élégance? Aquoi
» bon ces immondes guenons, ces lions cruels, ces centaures
» monstrueux, ces demi-hommes, ces tigres bigarrés, ces
« soldats au combat, ces chasseurs sonnant du cor? Sous
» une même tète vous apercevez des corps nombreux,