Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

PREMIERS ACTES DE PROSÉLYTISME 97
évangélisé la maison du seigneur, la dame et ses
femmes, les officiers tranchants de bouche, et jusqu'à
la plus basse valetaille, n'allait-il pas s'y
étendre quelques heures, cependant que les soldats
du roi ou les hommes d'armes de l'évêque fouillaient
les bois dont les sentiers moussus avaient
gardé toute fraîche l'empreinte de ses pas ? Ses
yeux devaient clignoter quand il revenait à la
pleine lumière du ciel et que les paysans goguenards
se retournaient sur le petit Grec sorti de
sa cachette.
Il se trouvait maintenant au bout de sa logique.
De ses longues et laborieuses conférences avec ses
amis, le calvinisme était sorti, portant l'esprit de
l'homme, à la suite de Luther, sur des hauteurs
où jamais encore il n'avait atteint. On en avait
fini avec la vieille formule intéressée des catholiques
et leur conception païenne de Dieu. Le
mérite des oeuvres n'existe pas, et Dieu n'est pas
un roi très bon, très sage, très puissant, qui punit
ou récompense ses sujets. Dieu est tout. Puisque
Dieu est tout, l'homme n'est rien. Cela ne peut
pas être autrement. Le catholicisme n'a pas su
montrer Dieu dans toute sa puissance. Il lui a
fait une part, pour en réserver une autre à l'homme.
Il est allé plus loin encore : il lui a opposé le diable !
— Et Calvin était tout prêt à l'accuser de manichéisme.
C'est du manichéisme, en effet, que de
donner le diable pour un personnage très fort et
très puissant. D'abord, il n'y a pas « un » diable.
Quand l'écriture dit : le diable, elle désigne le chef
des démons. Il y a « des » diables, des esprits immondes
à qui Dieu permet de tenter l'homme, et
ils ne sont que les exécuteurs de ses volontés.
CALVIN. 7