Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

MICHEL SERVET 291
brasier, qui rebondit en flammes hautes et claires.
Il en sort une voix horrible : « Jésus, Fils du Dieu
éternel, aie pitié de moi ! » crie l'Espagnol à moitié
consumé. Et, après un tourment d'une demi-heure,
il expire enfin.
Le bûcher et l'homme ne sont plus que cendres
noires. Les Genevois consternés s'en retournent
vers la ville. Les deux pasteurs descendent la
colline, sans guère se douter qu'ils viennent de
faire un martyr. Leurs deux coiffures plates
s'agitent à côté l'une de l'autre, car ils argumentent
encore sur le supplice de Michel Servet, que maître
Calvin accable de son mépris : « Michel Servet
est mort sans vouloir confesser son erreur ! »
répètent les deux amis avec indignation.
Ils ont l'intransigeance des hommes de leur
temps 1, et, plutôt que d'admirer le courage du
médecin, ils s'en irritent et n'y voient qu'une
obstination d'orgueilleux,
de comprendre d'autre
car ils
foi que
sont incapables
la parle d'une « opiniâtreté furieuse
leur. Calvin
», d'une « stupidité
brutale », et ne veut pas que Servet ait
été un martyr, parce qu'au moment de mourir il
s'est tu au lieu de clamer sa foi.
Argumenter, rétorquer, disputer sans trêve jusqu'à
perdre le souffle, pour faire prévaloir sa doctrine,
user ses forces en un combat de tous les
instants, c'est ce qu'il fait, lui, dans la débilité
de son corps et le tumulte des affaires publiques.
1. «Parce que les méchants savent que je suis irritable,
ils s'efforcent continuellement et de toutes les façons
d'exciter ma bile pour me faire perdre la patience. Mais
quoique la lutte ait été difficile pour moi, jamais ils n'ont
obtenu ce qu'ils voulaient, que je me détournasse de ma
route. »
Lettre de Calvin à Bullinger, 27 octobre 1553.