Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

DERNIÈRES ANNÉES 341
M. de Saulx, je me trouvai là, et en entrant, on me disait :
« Monsieur, retirez-vous, ce n'est pas à vous qu'on en
veult. ». — Je leur dis : « Non ferai ; allez, méchants,
tuez-moi ; et mon sang sera contre vous, et ces bancs
même le requerront !
Ainsi j'ai été parmi les combats, et vous en expérimenterez
qu'ils ne seront pas moindres mais plus grands.
Car vous estes en une perverse et malheureuse nation,
et combien qu'il y ait des gens de bien, la nation est
perverse et méchante, et vous aurez de l'affaire quand
Dieu m'aura retiré ; car encores que je ne sois rien,
si sçai-je bien que j'ai empêché 3.000 tumultes qui
eussent été en Genève. Mais prenez courage, et vous
fortifiez, car Dieu se servira de ceste Eglise et la maintiendra,
et vous asseure que Dieu la gardera... »
Puis il s'humilie :
J'ai eu beaucoup d'infirmités, lesquelles il a fallu
qu'ayez supportées, et mesmes tout ce que j'ai fait
n'a rien vallu. Les méchants prendront bien ce mot ;
mais je dis encore que tout ce que j'ai fait n'a rien valu,
et que je suis une misérable créature. Mais si puis-je
dire cela que j'ai bien voulu, que mes vices m'ont
toujours déplu et que la racine de la crainte de Dieu
a toujours été dans mon coeur.
Et vous pouvez dire cela, que l'affection a été bonne ;
et je vous prie que le mal me soit pardonné, mais, s'il
y a du bien, que vous vous y confirmiez et l'ensuiviez.
J'ai enseigné fidèlement, et Dieu m'a fait grâce
d'écrire ce que j'ai fait le plus fidèlement qu'il m'a été
possible ; et n'ai pas corrompu un seul passage de l'Écriture,
ne destourné à mon escient. Et quand j'eusse bien
peu amener des sens subtils, si je me fusse estudié
à subtilité, j'ai mis tout cela sous le pied et me suis
toujours estudié à simplicité.
Je n'ai écrit aucune chose par haine à rencontre
d'aucun, mais toujours ai proposé fidèlement ce que
j'ai estimé estre pour la gloire de Dieu.