Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

L'ÉVOLUTION 65
qu'il appelait ses frères. Les paroles du prédicateur
lui pénétraient l'âme. Jamais encore, lui
semblait-il, on n'avait rendu à Dieu le culte qui
lui était dû. Et il évoquait le souvenir des premiers
chrétiens dans les catacombes. Les protestants
montraient la même simplicité, la même ardeur
de foi. Le bûcher avait remplacé les bêtes fauves.
La police rôdait aux alentours. Le lieutenant
criminel, Jean Morin, poursuivait les hérétiques,
pour en faire bonne et prompte justice. Les prêches
étaient souvent interrompus. Il fallait, en hâte,
se jeter dans des couloirs, passer par des escaliers
dérobés, se perdre dans des cours. Les mousquets
des gens de police se cognaient aux angles des
murs. Des coups de feu éclataient dans la rue.
Calvin se retrouvait dehors, le visage tout
échauffé par la chaleur de cette chambre close où
s'étaient entassés les protestants, et le coeur lui
brûlait d'enthousiasme. Il se disait alors qu'il
commençait à avoir quelque goût et connaissance
de la vraie piété, et déclarait qu'il s'éloignait
« des superstitions papales ».
Rentré dans la cellule du collège Fortet, il se
remettait à sa table de travail, ayant entrepris
un commentaire en latin du traité de Sénèque
sur la clémence 1. Il s'adonnait aussi, avec une
furieuse passion, à l'étude des Pères de l'Église
et tout particulièrement de son cher saint Paul,
en qui il retrouvait le christianisme dans sa pureté
primitive. Tenace, ardent et sombre, il cherchait
Christ, mettant tout le feu de son âme et toute
1. Déjà étant à Bourges, en mars 1531, il avait composé
son premier écrit : une lettre qui servit de préface
à un ouvrage de son ami Duchemin.
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