Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

58 CALVIN
hommes étaient-ils pleins de rage. Ils ricanaient
en entendant sonner les cloches des innombrables
églises de la ville et défiler en procession des
prêtres devant qui, malgré tout, il leur fallait
bien s'incliner quand ils passaient en portant
l'hostie dans un ostensoir d'or.
Que Dieu fût entre leurs mains les mettait hors
d'eux. Ils pensaient que cela l'eût souillé, s'il
eût été possible de souiller Dieu. Et Charles, le
plus furieux, le plus violent, ne laissa pas de rapporter
à Jean tout ce qu'il avait pu glaner d'histoires
scandaleuses touchant les ecclésiastiques.
Calvin, en échange, l'initia aux théories du luthérianisme
1. Et toujours les cloches bourdonnaient,
les processions chantaient, les statues fleuries se
balançaient sur leurs emballoirs drapés de velours
à fleurs de lis. Les deux excommuniés en recevaient
comme une insulte permanente. S'ils se fussent
avisés de sortir de leur maison, les dévots effrayés
leur eussent peut-être jeté des pierres afin de
préserver les pieux objets de leur contact impur.
Alors Calvin, dans son désespoir et sa haine de
tout ce qui passait devant la demeure de son père,
imaginait une église sans cloches, sans processions,
sans statues, une église pauvre et nue.
Il s'apprêtait à quitter Noyon, quand Gérard
Cauvin tomba malade. L'état du vieillard, tout
d'abord, n'inspira pas d'inquiétudes aux siens.
Ils le croyaient sans gravité, et Jean, soignait
1. Son père et son frère l'ont précédé dans l'hérésie
l'un timidement, l'autre ouvertement. Mais ce n'est pas
Calvin qui les influença. Il n'était âgé que de 22 ans
au moment de l'excommunication de 1531 et était encore
attaché à la religion catholique.