Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

STRASBOURG 187
Je t'en supplie, mon frère, quand je me plains auprès
de toi, quand je t'objurgue, quand je me fâche contre
toi, quand je t'accuse, prends-le comme si c'était toi
qui te le faisais à toi-même !1
Et Farel l'adjure de se contenir devant les
étrangers, que ses fureurs divertissent et qui s'en
font des armes pour les retourner contre lui. Mais,
en dépit des plus belles résolutions, la colère est
toujours la plus forte, et le souvenir des violences
de sa journée tient le pasteur éveillé une bonne
partie de la nuit.
Pauvre malade ! Il s'est donné le Christ pour
modèle, et, à toute seconde, ses nerfs et sa bile
l'emportent où il ne veut pas aller. Il s'épuise à
cette lutte.
Puis Farel, son plus tendre ami, le compagnon
de tant d'heures douloureuses et tragiques, le frère
bien-aimé, s'en va.
Voilà Calvin tout seul. Il n'y a plus d'épaule
où s'appuyer pour pleurer quand les nerfs trop
tendus veulent un épanchement, plus la bonne
voix réconfortante qui, depuis tant de jours,
résonnait à son oreille. Malade, abandonné, proscrit,
torturé de remords et de chagrins, Calvin
ne voit plus autour de lui que le funèbre spectacle
de la peste qui fait mourir tous les gens.
Le 17 août, elle saisit un neveu de Farel. Justement
ce jour-là, Calvin a pris des pilules pour
soulager son mal de tête et doit rester à la chambre.
Mais il s'occupe de trouver une garde au malade,
1. Dans une autre lettre à Farel, il écrit : « Je sais
que tu es assez accoutumé à ma rudesse ; aussi je ne
m'excuserai pas d'avoir agi avec toi avec ce trop peu
de politesse. »