Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

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s'était enfui de Paris en emportant le sceau de
l'Université. De graves événements s'étaient passés
depuis, et les deux hommes avaient bien des
choses à apprendre l'un de l'autre.
Cop ne dut pas trouver que le Picard avait pris
meilleure mine depuis qu'il s'était enfin décidé
à entrer dans le parti des réformés et qu'il courait
les routes, autant pour échapper au feu de son
bûcher que pour répandre la parole évangélique.
Il put voir aussi que, si Calvin avait fort souvent
changé de nom au cours de ses voyages, il n'avait
pas changé d'âme, et. que c'était bien toujours le
même homme, tout ensemble violent et froid,
opiniâtre, discuteur, et surtout d'une incroyable
assurance en tout ce qui touchait ses propres convictions,
et d'une continence, d'une austérité de
moeurs qui, malgré tout, imposaient le respect.
Cette austérité, dont peu de personnes pouvaient
donner l'exemple, touchait vivement la matrone
distinguée, du nom de Catharina Klein, qui le
logeait au faubourg Saint-Alban. La dame n'en
revenait pas qu'on vécût ainsi, sans presque rien
manger, sans presque de sommeil, n'existant
que pour écrire, convaincre ou prêcher, obstinément
fermé à tous les plaisirs du monde et tenant
pour néant ce que les hommes sont accoutumés
de prétendre leurs plus chères récréations et leurs
plus précieuses jouissances. Aussi éprouvait-elle
une grande admiration pour une vertu qui était
peut-être moins l'effet d'une volonté de se conduire
de façon à ne point souiller son corps qu'une
naturelle répugnance à la fatigue que comportent
les plaisirs. Et elle allait partout, prônant la grande
sagesse de M. Lucanius, car c'était ainsi que le
réformateur se faisait maintenant appeler.