Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

262 CALVIN
Maintenant que nous l'avons reçu en grâce, il nous
reste à persévérer avec constance. Car si nous ne devions
pas le rejeter, il faut, de toute notre force, le retenir.
Et cela ne se fera pas à moins que tu n'empêches tous
les tiens de l'insulter... Du moins persévérez dans cette
mansuétude que vous lui avez trop tôt montrée.
Lutte épuisante de sa conscience contre ses
nerfs, de l'âme évangélique qu'il se veut donner
contre sa nature violente et passionnée, lutte
morale, lutte physique, combat de tous les instants.
Sans cesse l'importunité des hommes lui fait dépasser
la mesure. Parce que les méchants savent qu'il
est instable, ils s'efforcent continuellement, et de
toutes les façons, d'exciter sa bile pour lui ravir
une patience qui ne demande qu'à lui échapper.
Rien n'est plus tentant que de se laisser emporter
par son ardeur, et Calvin n'oublie jamais quelle
est la violence de son tempérament. Il est « roulé
dans de nombreux tourbillons », avec la misère
toujours accrochée à ses épaules.
La demeure qu'il habite n'est pas faite pour
apaiser ses nerfs. Nous savons qu'il prend maintenant
des pensionnaires. L'idée est excellente,
et l'on pourrait croire, à voir sa maison, que le
réformateur va s'enrichir rapidement. Comme chez
Bucer, partout des lits sont dressés. On ne rencontre
que couvertures étalées sur des sangles,
qu'habits accrochés, que bonnets de nuit traînant
sur les tables et coffres de voyage laissant échapper
des jambes de drap écarlate, des pourpoints, des
manteaux. Dans tous les angles, on se cogne à
des épées.
Mais ce sont là vêtements de gueux ! Les épées
sont tordues, et les pourpoints ont des pièces !