Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

62 CALVIN
se remettre de la honte infligée à son père, et se
traîna pour les dernières lieues. Il était si trébuchant
et si blême, à son arrivée dans la ville, que
tous ses amis s'en émurent. Le père d'un nommé
Coiffart lui offrit de le loger chez lui. A ces marques
d'amitié, on vit alors se détendre le visage tiré
du voyageur.
Ainsi, en dépit de sa bile, de son humeur tracassière
et de ces emportements dont il ne se pouvait
corriger et qui lui coûtaient tant de repentir,
il avait su se faire aimer de ses amis ! Il s'en montra
tout réjoui. Néanmoins, il refusa leur hospitalité.
La maison de Coiffart était trop éloignée du
collège où enseignait Danès, dont il voulait
suivre les cours. Il préféra se loger, non comme
élève, mais en qualité de pensionnaire libre,
au collège Fortet, en face de la vieille maison
Montaigu, en haut de la rue des Sept Voies 1.
C'était un lieu fort recueilli, et Calvin aurait
pu se prendre pour un moine quand il en gravissait
l'escalier en colimaçon, qui débouchait sur
un couloir où donnait une longue file d'étroites
cellules. Là couchaient maîtres et élèves. Sa
chambre regardait le couvent des Bernardins 2.
Quand il fut installé, le pseudo-curé de Pontl'Évêque
eût l'air de commencer à se dissiper.
Cependant que là-bas, du côté de Noyon, un
prêtre disait pour lui la messe, devant l'autel de
sa petite église, Calvin montait à cheval avec son
ami Viermaens. La fraise au cou et l'éperon à
la botte, le futur dictateur de Genève se livrait
aux ébats de son jeu favori. On eût dit qu'il
s'égayait.
1. Rue Valette.
2. Lycée Henri IV.