Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

L'ÉCHEC 173
nouveaux syndics sont choisis parmi ses ennemis.
Le lendemain, le petit Conseil est renouvelé dans
le même sens. Calvin ne peut plus élever la voix
dans l'assemblée. Pendant quelque temps encore
il se contient, se bornant à signaler aux syndics
certaines mauvaises moeurs auxquelles s'abandonnent
les Genevois, tant de jour que de nuit,
ainsi que des paroles et des chansons déshonnêtes.
Le Conseil s'émeut de ces plaintes, dont il n'a
rien à craindre pour lui-même, et envoie son
crieur public annoncer par les rues, à grand son
de trompe,
que nul n'osât chanter chansons déshonnêtes, ni aller
de nuit passé neuf heures, ni faire émotion ou débat
par la ville, sous peine de condamnation au pain et à
l'eau pour trois jours.
Il semble que Genève est entrée dans une
période d'accalmie, et que les pasteurs se sont
enfin résignés à ne prêcher que l'Évangile, sans
vouloir se mêler des affaires publiques. En réalité,
ils hésitent avant d'engager ouvertement la lutte.
Mais six conseillers réformés sont suspendus de
leurs fonctions sous le prétexte de trahison, et,
furieux, les pasteurs invectivent en chaire le gouvernement,
qui leur ferme les portes de la maison
de ville. Le 11 mars 1538, le Conseil décide d'avertir
les prédicants qu'ils sont là pour prêcher la parole
de Dieu et non pour se mêler de politique. Puisqu'ils
ne peuvent se tenir tranquilles, ils n'assisteront
plus au Conseil, ni petit ni grand !
Les voilà rejetés du gouvernement. Ils ne connaissent
plus rien de ce qui se passe et n'ont plus
aucun pouvoir. Le premier porteur d'eau venu en
sait autant qu'eux sur les secrets de la République.