Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

LE RETOUR A GENÈVE 235
robe noire... Calvin ouvre la bouche... et prononce
des paroles sans aigreur, des paroles toutes naturelles
et simples, qu'on était loin d'attendre de
lui, et qui ôtent un gros poids de dessus les poitrines.
Il dit quelques mots sur la manière dont
il entend remplir sa charge, puis, tout de suite,
recommence d'expliquer
« ... où il l'avait laissé,
le texte, le reprenant
jugeant qu'il avait inter-
" rompu momentanément mais qu'il n'avait pas
« déposé sa charge de prédication ».
Cette fois, l'esprit mauvais de Dieu a été vaincu.
Le rancunier malade n'a pas dit un mot de ses
adversaires. Il n'a pas profité de sa victoire pour
humilier ce peuple qui l'avait si mal traité. Il a
jugé que c'eût été « inhumain » et « insulter des
vaincus » que de rappeler les anciens événements,
Son orgueil satisfait le rend magnanime. Et les
Genevois stupéfaits ne reconnaissent plus en lui
le pasteur coléreux dont ils avaient conservé le
souvenir.
Les fautes commises lors de son premier séjour
à Genève ont rendu Calvin prudent. Il se défie de
lui, et n'oublie jamais jusqu'où peut l'emporter
la violence de son tempérament. La colère est
le plus détestable défaut dont puisse être affligé
un homme appelé à gouverner ses semblables.
Elle lui suscite mille difficultés, et Calvin ne veut
plus être que patience et douceur. Pour tout dire,
l'envie le démange de sévir, mais il s'est mis dans
l'esprit « de tolérer de quelque manière ceux
qu'il n'a pas la faculté de supprimer ». Il montre,
en cela, qu'il est capable de dissimulation, de
charité chrétienne et d'habileté politique. C'est
qu'il a fait son apprentissage des hommes. Il sait