Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

MICHEL SERVET 287
réconcilier avec tous les bons serviteurs de Dieu. Tu
as fui alors la lutte, et je n'ai laissé pourtant à t'exhorter
par lettres ; mais tout a été inutile ; tu as jeté contre
moi je ne sais quelle rage plutôt que colère. Du reste,
je laisse là ce qui concerne ma personne. Pense plutôt à
crier merci à Dieu que tu as blasphémé en voulant
effacer les trois Personnes qui sont en son essence ;
demande pardon au Fils de Dieu, que tu as défiguré et
comme renié pour Sauveur. »
A ces paroles, Servet demeure silencieux. Il n'a
qu'un mot à dire pour échapper au bûcher. Qu'il
reconnaisse les trois Personnes de Dieu, et on ne
le brûle plus tout vif. Mais, dans son ordure, ses
haillons, sa misère, son épouvante, une dernière
fierté lui reste. Il ne se reniera point, et c'est en
vain que Farel l'exhorte à confesser son erreur.
Alors Calvin se retire, obéissant à saint Paul,
qui a recommandé :
Évite l'homme hérétique après l'avoir averti une
première fois et une seconde fois, sachant qu'un tel
homme est perverti et qu'il pèche, étant condamné par
lui-même.
Le 27 octobre 1553, vers onze heures du matin,
Servet entend remuer des chaînes et voit s'ouvrir
la porte de sa cellule. Les archers le poussent
dehors. Ses paupières battent au grand jour qui
les brûle, et le malheureux trébuche entre les
chaînes qu'on entend cliqueter à chacun de ses
pas. Le froid de sa fosse, les coliques et la faim
lui ont verdi la face. Une barbe, dont la saleté a
collé les poils, est répandue sur sa poitrine, et ses
cheveux gras tombent sur son cou. Il marche au
milieu des soldats. Farel est à côté de lui. Montés
sur des chevaux et revêtus des insignes de leur