Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

ESSAIS D'ORGANISATION 157
Partout, on renverse les autels et les statues des
églises et des monastères. Certains le font avec
calme, et l'on voit des prêtres, nouvellement convertis,
replier avec soin les linges blancs des sacristies
et transporter dans leurs bras les lourdes
statues qu'ils viennent d'enlever à leurs socles
pour aller les jeter en quelque fosse où les vieilles
madones gothiques et les petits anges joufflus
taillés par l'amoureux ciseau des artisans vont
lentement se dissoudre dans la terre. D'autres sont
furieux et fanatiques. Ils déchirent leur soutane
ou leur froc, frappent à grands coups de marteau
la pierre où éclatent des ailes, des têtes, des mains,
crèvent les toiles des tableaux, saccagent tout ce
qu'ils trouvent devant eux en invoquant le nom
du Christ. La population se joint à eux. Les
cierges sont renversés. Leurs pieuses petites
flammes qui demandaient au Ciel la santé d'un
enfant ou l'amour d'un jeune homme s'éteignent
sur les dalles du sanctuaire, au milieu des vases
brisés. Les chandeliers se tordent entre les grosses
mains furieuses qui s'en servent pour frapper les
sculptures des portails. Les saints vénérables dont
les pieds sont usés par les lèvres pieuses ont la
corde au cou et s'abattent au bas de leurs socles.
Les vitraux volent en éclats. Des voleurs se
glissent parmi les nouveaux protestants, et les
trésors des sacristies, cachés sous de vastes manteaux,
s'enfuient vers des repaires où attendent
les receleurs.
Calvin éprouve une âpre joie à voir les églises
catholiques débarrassées des « superstitions de la
papauté ». Il se souvient de tous ses agenouillements
devant les statues, de tous ses baisers aux
reliques et, plein de rancune, n'en déteste que