Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

BOURGES 55
prêcher le catholicisme, mais il dût sans doute
affirmer davantage sa foi intime, la foi évangélique
dont il se sentait animé.
Avant d'affronter le grand public des villes,
beaucoup d'étudiants s'en allaient à la campagne,
afin de s'y exercer dans l'art de la parole. Calvin
suivit leur exemple.
Maigre et jaune, l'estomac déjà délabré par
les privations qu'il lui imposait et la tête battue
de sa migraine, il marchait à grands pas. Il passait
dans la rue des Arènes, et les ouvriers occupés
à construire l'hôtel d'un riche marchand italien,
où devait un jour habiter Cujas, sans doute
abandonnaient leur truelle et leur pioche pour
regarder s'éloigner cet homme pensif qui n'avait
pas donné un regard à leurs travaux. Voyait-il
davantage la devise écrite sur la porte de Jacques
Coeur, et qui semblait lui prédire son propre avenir :
« A vaillans cuers, riens impossible » ?
Il s'engageait dans la rue du Dieu d'Amour.
Il y avait au bout une grosse tour flanquée d'autres
tours, avec des murs énormes. C'était la clef de
la ville. On y avait relégué la fameuse cage en fer
et en bois où Louis XI enfermait ses victimes,
et, toute rouillée qu'elle fût, elle inspirait encore
un sentiment de terreur aux gens qui la contem-
plaient. Quelquefois le bourreau et ses aides préparaient
un bûcher devant la grosse tour pour
y brûler un condamné.
Sans s'arrêter, Calvin avait franchi l'enceinte
de la ville et, maintenant, ses longues jambes battaient
sa robe de clerc d'un rythme plus précipité,
heureuses de sentir le sol sous leurs semelles, de
le vaincre en quelque sorte par le pas qu'elles lui
imposaient. Cet homme débile aimait la marche.