Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

AU COLLÈGE MONTAIGU 33
blâme. Il ne le ménage point à ceux qu'il juge
égarés dans la voie du péché. Aussi se méfie-t-on
de lui. Les groupes se disloquent à son approche,
des chuchotements hostiles passent de chaperon
en chaperon. Les regards l'épient. On le tient
pour un dénonciateur.
Cependant, tout au fond de lui-même, il est
un tendre. Son air froid cache une grande sensibilité
de coeur, une sensibilité qui deviendra bientôt
maladive, et il sait être exquis en amitié. Ceux qui
l'abordent pour la première fois le trouvent fermé,
impénétrable. Mais qu'une habitude de causerie,
qu'un échange de pensées s'établisse, et voilà
le pâle étudiant qui s'anime. Ses joues se colorent,
son regard devient plus brillant encore. Il se montre
expansif, il se livre tout entier, et l'on voit que
son âme est chaude, ardente et qu'elle brûle
comme une torche vive au fond de ce corps dont
elle sera bientôt l'unique soutien.
Il a gardé de son enfance, traînée dans les sacristies
et devant les autels, l'amour de l'Église. On
le trouve souvent agenouillé dans la chapelle du
collège et plongé dans une grande méditation.
Il est profondément religieux. Peut-être même pourrait-on
dire qu'il deviendrait facilement mystique.
Mais il est aussi Picard, et le Picard est un
homme à l'esprit mordant, un homme qui ne craint
pas d'appeler les choses par leur nom et se départit
difficilement de sa logique, un homme volontiers
chicanier qui se plaît à la dispute. Aussi les discussions
théologiques qu'il lui faut soutenir plusieurs
fois dans une même journée, le trouventelles
toujours prêt à la riposte, facilement agressif
et déjà violent de langage.
Il doit parfois, en manière d'exercice, réfuter,
CALVIN. 3