Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

PREMIERS ACTES DE PROSÉLYTISME 101
L'homme naturel n'est point capable d'entendre les
choses spirituelles, mais au contraire, ce lui est folie
de la doctrine de Dieu, d'autant qu'elle ne peut être
connue que spirituellement. Pourtant l'oeuvre du Saint-
Esprit en cet endroit est nécessaire, ou plutôt il n'y a
que sa seule vertu qui règne ici.
La parole de Dieu est semblable au soleil ; mais c'est
sans efficace contre les aveugles. Or nous sommes tous
aveugles naturellement en cet endroit.
L'homme n'a donc aucun mérite devant Dieu.
Il n'a pas de mérite parce qu'il n'est pas libre. Il
n'a pas besoin d'être libre, puisqu'il ne peut avoir
ni mérite ni démérite.
L'homme est donc prédestiné. La volonté de
Dieu ne change pas. Si elle pouvait changer, Il
serait deux Dieux, celui d'avant son changement
et celui d'après. L'infini ne peut pas changer, le
parfait ne peut pas se démentir. Il est immuable,
il est inflexible et le temps n'existe pas pour lui.
Donc, de toute éternité, Dieu a su tous les pécheurs
à venir et tous les justes. Vous êtes juste, ou vous
êtes pêcheur, si Dieu l'a voulu, depuis des milliards
d'années. Par conséquent, vous êtes élu ou réprouvé
d'avance 1.
Telle était, en ses traits essentiels, la doctrine
admirablement liée que le réformateur et ses amis
venaient de pousser jusqu'en ses conséquences
extrêmes sous les verts ombrages de Chaillou, aux
chants rustiques des bergers, qui eux, se croyaient
parfaitement libres quand ils soufflaient dans leur
flûte douce, ce qui était un abominable péché
d'orgueil, et ne se doutaient guère que Dieu, de
1. Études littéraires. Emile Faguet, Seizième siècle.