Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

218 CALVIN
montré un passage de Calvin, afin de l'irriter
contre le Picard :
J'espère que Calvin pensera mieux de nous un jour.
Il est juste de supporter quelque chose d'un si excellent
esprit.
Alors, il s'écrie qu'il faudrait être de pierre
pour ne point se sentir brisé par tant de modération,
et il s'avoue brisé. Maintenant, il traite
Luther d'homme éminent, il admire sa force
d'âme, sa persévérance, sa puissance. Il l'a souvent
dit, et il le répète encore : Quand Luther devrait
l'appeler un diable, il ne cesserait de le tenir en
grande estime, et de reconnaître en lui un auguste
serviteur de Dieu.
Certes, il voudrait jouir de sa vue, ne fût-ce
que quelques secondes. Une pensée, cependant,
l'arrête : il ne sait pas l'allemand, et Luther ne
dit pas un mot de français. Quels seraient leur
embarras et leur colère de se trouver l'un devant
l'autre, de sentir les paroles déborder de leur
bouche, et d'en être réduits aux gestes et aux
grimaces !
Cette mésaventure leur est épargnée. Luther ne
paraît pas au colloque.
Calvin et les Strasbourgeois, arrivés le 1er novembre
1540 à Worms, y attendent Granvelle
dans l'inaction. Les jours passent. La ville devient
de plus en plus encombrée. Princes de l'Église
et leur suite, grands seigneurs accompagnés de
leur maison, vicaires, curés, chapelains, desser-
vants, moines de tous les ordres, franciscains,
bénédictins, dominicains, cordeliers, clercs tonsurés,
comtes, barons, professeurs d'Universités,
maîtres de collèges, pasteurs, écoliers, marchands,