Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

LA LUTTE 245
Il baptise le petit Jacques, et pendant une
quinzaine de jours, on entend un faible vagissement
retentir dans la maison du pasteur. Puis tout se
tait, et il en sort un petit cercueil.
Dans la grande salle d'où les nourrices ont disparu,
il, ne reste plus qu'Idelette, couchée dans
l'ombre des rideaux, qu'Idelette toute blanche,
et si faible qu'elle ne peut se soulever entre les
draps.
Dieu n'a pas eu pitié. Il n'a pas voulu que Calvin
ait une descendance. Il a infligé « une blessure
grave et amère ». Mais il est le Père des hommes,
et sait ce qui convient à ses enfants. Une prière
agite les lèvres de la malade, qui se soumet à
sa sainte volonté.
Cet accident a mis la jeune femme dans un tel
état de faiblesse que plusieurs mois s'écoulent
avant qu'elle puisse quitter le lit 1.
De là, elle voit entrer et sortir bien des gens.
Il y a les bonnes femmes qui viennent la visiter
et la soigner, les nouveau-nés qu'on apporte sur
les bras pour les faire baptiser et dont les cris
ressemblent si exactement aux cris du petit Jacques
qu'à les entendre le coeur de la mère se serre, le
sautier avec sa barbe et sa canne à pomme d'argent,
sa fille Judith, son beau-frère Antoine, sa
belle-soeur, beaucoup d'hommes graves, dont les
1. Le 19 août 1542, Calvin écrit à Viret :
« Salue tous nos frères, ta tante maternelle et ta
femme que la mienne remercie pour ses douces et saintes
consolations. Elle ne peut écrire que par un secrétaire.
Et même en dictant elle ne serait pas peu gênée. Certainement,
Dieu nous a infligé une blessure grave et amère
par la mort de notre fils, mais il est notre Père : il sait
ce qui est bon pour ses enfants. Adieu. Le Seigneur soit
avec toi. »