Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

302 CALVIN
accourt et, se tenant de l'autre côté de la limite
du canton, insulte le sautier :
Vous n'êtes que méchants, brigands, traîtres, meurtriers.
Beaux Évangélistes, vous tenez l'Évangile du
diable ! Vous avez vendu la ville aux Français ! Et toi,
sautier, vilain coquin, pouilleux, tu vas à cheval :
mais si ce n'eût été mon mari, tu irais à pied, tu mourras
à l'hôpital !
Cette fois encore, funèbre en sa longue robe
noire, Calvin se dresse sur le lieu du supplice.
A l'annonce de leur exécution, les deux frères ont
été pris d'une rage singulière qui les a poussés à
nier une partie de ce qu'ils avaient dit à Calvin
et celui-ci entend qu'ils reconnaissent publiquement
leur mensonge. Opiniâtre, acharné à vouloir
découvrir les véritables auteurs de l'émeute pour
les dénoncer au peuple, il poursuit de ses questions
les deux malheureux condamnés jusqu'en leurs
derniers instants. Devant le bourreau qui attend,
la hache à la main, tout prêt à frapper, il demande
à l'homme qu'on va supplicier s'il ne lui a pas,
spontanément et en l'absence des juges et des
témoins, raconté des choses autres que celles qui
sont consignées dans les actes publics. Le malheureux
répond que c'est vrai. Cela ne lui suffit point.
Il veut lui faire dire s'il l'a poussé par des menaces
ou séduit par des promesses. L'autre proteste qu'il
n'a rien fait de tel.
« Pourquoi donc », reprend l'enragé disputeur,
«rétracter en partie des choses qui sont toutes de même
nature ? Prends plutôt garde, mon Français, de te
présenter devant le céleste tribunal de Dieu avec une
conscience pure ! »