Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

LA MORT D'IDELETTE 271
Il « dévore » son chagrin de telle façon qu'il n'a
en rien interrompu son office pastoral. Certes, il
serait brisé si le Seigneur, du haut de son ciel, ne
lui avait tendu la main, lui dont l'office est de
relever les abattus, de confirmer les faibles, de
restaurer les fatigués.
Le pasteur est entouré de parents 1, d'amis qui
s'efforcent de le consoler, et cependant, il ne peut
toujours contenir son chagrin...
Certes, la matière de sa douleur n'est pas vul-
gaire. Il a perdu l'excellente compagne de sa vie qui,
si le malheur était venu, l'aurait suivi non seulement
dans l'exil et dans la misère, mais aussi
dans la mort. Tant qu'elle a vécu, elle s'est montrée
l'aide fidèle de son ministère. Jamais il n'a
senti en elle le moindre empêchement. Et Calvin,
à se souvenir de tant de vertus, est tout près de
s'abandonner au désespoir. Mais le croyant agenouille
le mari éperdu. L'admirable Providence
de Dieu, se dit le pasteur, ne nous sépare dans ce
monde que pour nous réunir un jour dans son
royaume céleste... Et ce n'est pas une médiocre
consolation, bien que la chair en frémisse plus
douloureusement, que d'avoir vécu avec sa femme
de façon à retourner plus volontiers auprès d'elle
quand il faudra quitter ce monde.
En attendant ce congé, que de tracas, de bruit,
de luttes ! La mort d'Idelette n'a pas désarmé ses
ennemis. Ils continuent de s'agiter, de crier, de
menacer. On dirait même que leur arrogance a
1. Une soeur de Calvin, Marie (qu'il appelle Paludana
dans une lettre du 18 janvier 1532, probablement du
nom latinisé de son mari), l'avait suivi à Genève et devait
se trouver auprès de lui à ce moment. L'autre soeur
s'était mariée à Noyon. Un de ses fils fit un séjour assez
prolongé auprès de Calvin à Genève.