Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

PREMIERS ACTES DE PROSÉLYTISME 95
venait arracher la récompense future ne le chassaient
pas à coups de pierres, ne levaient pas sur
lui leurs fourches et leurs faux. Ils accouraient,
au contraire, pour l'entendre parler. Ils se pressaient
vers lui. Était-ce donc qu'il y avait une
grande force de persuasion dans sa parole, qu'il
entraînait ainsi d'humbles paysans à se dépouiller
eux-mêmes pour faire Dieu plus grand ? Ou bien
l'humanité en était-elle venue à se dégoûter
d'oeuvres qui, toujours, voulaient leur récompense,
et aspirait-elle
sans espérance,
à l'amour
qui se
désintéressé, à la
suffit à elle-même
vertu
parce
qu'elle est la vertu ?
Au retour de son prêche, Calvin s'entretenait de
nouveau avec ses amis. Il apportait l'âpre violence
des discussions humaines en cet asile de paix qui,
jusqu'alors,
d'une cloche
n'avait retenti que de l'humble
de chapelle et des cris d'animaux
son
qui
n'exprimaient que les sentiments simples de la
nature, la faim, la douleur, l'amour, ou la joie
d'exister et de saluer la lumière. C'étaient là bruits
que n'entendaient
hommes d'étude
guère
faisaient
les
de
réformateurs.
la campagne
Ces
un
cabinet de travail. Sous les voûtes antiques du
manoir de Girac, les trois intimes, auxquels il faut
joindre l'abbé de Bassac, Charles Girault d'Anqueville,
de Torsac, la
Jean du Tillet, le futur
Place et le frère de Louis,
évêque de Meaux, « discutaient
dans le calme pour trouver la vérité ».
Souvent aussi Calvin se retirait à la cure de Claix,
dont il aimait l'isolement et le silence.
L'église s'affaissait sur ses vieux arcs romans.
On l'avait bâtie au sommet d'une colline, et
Calvin y montait de la vallée, par le petit sentier
qui allait bientôt s'appeler le chemin de Calvin.