Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

148 CALVIN
la vérité prête à ses paroles la chaleur qui manque
à son sang. Sa voix siffle aux oreilles du peuple
étonné.
« Nous les lisons, et nous apprenons d'eux plus que
vous ne faites », dit-il. « Mais
soumettre sans conviction à
nous ne pouvons nous
leur jugement, car la
parole de Dieu nous le défend. Comment osez-vous
soutenir que quiconque ne reconnaît pas
l'absolue auto-
rité des Pères rejette par là toute autorité, même celle
des lois et du souverain ? »
Emporté par son indignation, le malade que
torture l'éclat des cierges, et qui se tient tout raide
pour ne pas remuer la tête, se met à citer, de
mémoire, les opinions de Tertullien, une homélie
de Chrysostome, un passage de Saint-Augustin,
un passage du livre contre Adimantus Manichéen,
le psaume 98, une homélie sur l'Évangile de
Saint Jean, l'épitre Ad Dardanum, et d'autres
encore.
Les graves docteurs en restent anéantis. Le
peuple est dans la stupéfaction. Et quand il
s'arrête enfin, le feu aux joues, et sans doute
secoué par quelque quinte de toux — car, en plus
de sa migraine, il souffre d'un catharre qui s'est
porté sur les bronches, — les milliers de Vaudois
entassés dans le grand vaisseau catholique s'agitent,
se poussent pour apercevoir l'orateur. Ils sont
maintenant convaincus, décidés au protestantisme.
Et ils se demandent les uns aux autres
quel est donc cet homme plein d'éloquence et de
science, qui jamais encore n'a parlé du haut de la
chaire, et dont on ignore le nom.
A ce moment, un cordelier, Jean Tandi, se lève
en criant qu'il a vu enfin la vérité,