Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

STRASBOURG 191
reconnu citoyen de la ville où l'on s'est établi, il
entend, cette fois, devenir bourgeois de Stras-
bourg. Or la constitution de Strasbourg veut que
tous ses bourgeois fassent partie d'une corporation.
Aussi voit-on des hommes de lettres bouchers,
des pasteurs charcutiers, des professeurs drapiers,
des avocats marchands de poisson ou savetiers.
Calvin a résolu, lui, d'être tailleur. Est-ce qu'il
se sent du goût pour le métier ? A-t-il rêvé, parfois,
au milieu de ses plus graves méditations, de
tailler une belle robe, d'entendre ses grands
ciseaux crisser dans une aune de drap, de coudre
un galon par-ci, un bouton par-là, et de faire du
tout un habit propre à vêtir un honnête protestant.
Cet homme austère, uniquement préoccupé
des choses de Dieu, est-il sensible à la perfection
d'un pourpoint et d'un haut-de-chausses ? Ou
bien, plus simplement, Calvin a-t-il choisi ce
métier parce que le « poêle » des tailleurs se trouve
à l'angle de la rue du Dôme et de la rue Brûlée,
c'est-à-dire, tout près de sa salle de cours et du
lieu de son prêche ?
Le 30 juillet 1539, Jean Calvin le réformateur
comparaît devant le « stall » des seigneurs de la
ville, auxquels il déclare, comme l'exige le règlement,
qu'il veut servir chez les tailleurs.
Quel chef-d'oeuvre a-t-il dû produire pour être
agréé le mardi suivant ? Nanti de son certificat,
qui l'atteste tailleur, il passe, le mercredi, à la
caisse pour y verser ses droits d'admission, vingt
florins, qui sont, apparemment, tout ce que la
ville de Strasbourg attendait de ce nouvel artisan.
Vingt florins, c'est peu de chose pour un tailleur,
qui a tôt fait de les retrouver sur le dos de sa
clientèle. C'est une somme pour un simple prédi-