Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

PREMIERS ACTES DE PROSÉLYTISME 93
enragement à convaincre les gens et la passion
qu'il apportait à réfuter les arguments de ses
contradicteurs avaient sans doute fort altéré.
Rafraîchi, il repartait pour répandre sa doctrine.
Quel esprit le poussait alors vers les campagnes
? Ceux qui l'écoutaient étaient d'humbles
gens, des paysans, des vignerons. De la vie, ils
n'avaient guère connu que les travaux et les
misères. Ils avaient eu faim souvent. Du matin
au soir ils peinaient pour arracher un peu de grain
à la terre. Des tombes toutes fraîches s'étaient
refermées sur leurs enfants ou leurs parents, qu'ils
avaient cousus dans des linceuls. Était-ce pour
les consoler que Calvin accourait vers eux?
Non, il n'était pas un consolateur, il était
l'homme de la vérité. Qu'importe que la vérité
désole, arrache toutes les espérances et démontre
l'inutilité de l'effort à ceux-là mêmes dont toute
la vie n'est faite que d'efforts ? Elle est la vérité.
On n'y peut rien changer.
Le prêtre catholique avait dit : « Dieu vous voit.
Il est votre Père très bon. Soyez résignés. Votre
soumission à sa volonté, votre patience dans
l'épreuve vous assurent une place dans l'éternité. »
Et Calvin, derrière lui, arrivait avec son enthousiasme
sombre. Il apportait son Dieu terrible, qui
n'est pas un Dieu de justice, qui n'est pas un
Dieu de consolation. Il est, et cela suffit. L'homme
n'est pas. Et comme il n'est pas, il ne peut avoir
de mérite. Le prêtre qui a promis une récompense
n'a point la notion de l'infini, il n'a pas l'idée de
Dieu. Il le crée à l'image d'un roi. Il en fait un
homme un peu plus puissant, un peu meilleur
que les hommes ordinaires. C'est un païen ! Et la
preuve que votre prêtre est un païen, bonnes gens,