Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

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C'est que, depuis qu'il exerce les fonctions de
pasteur à Genève, la distribution de la cène fait
son supplice et qu'il attend d'être assez fort, assez
puissant, pour refuser de livrer Dieu au pécheur.
L'homme impie profane la Divinité, et rien, aux
yeux de Calvin, n'est aussi abominable que cette
profanation-là. Pour participer au banquet divin,
il faudrait que tous les corps fussent semblables
à des arches saintes, et ceux qui viennent le réclamer
sont des ivrognes, des débauchés, des gens
que le pasteur, la veille, a entendus jurer abominablement
ou qu'il a vus sortir des maisons de
la luxure. Ses mains tremblent, quand il lui faut
tendre le pain sacré à leurs lèvres pleines de
souillure. Il lui semble que le Christ, une seconde
fois, est livré à ses bourreaux. Et la nuit, de tels
remords le rongent, de telles épouvantes l'assaillent
que la sueur trempe son matelas.
Alors, il lui prend une horrible envie de s'enfuir
de cette cité maudite afin de ne plus participer
à ses crimes. Mais, s'il part, il abandonne le Sauveur
à la population démoniaque. Le Saint-Esprit
ne trouvera plus que des corps souillés, Dieu sera
roulé dans le péché !
Cette idée achève de le bouleverser. Il se dit
qu'il ne peut plus quitter cette ville où il est, avec
Farel, le seul défenseur du Christ.
Genève, alors, devient pour lui une sorte de
Gomorrhe biblique où il se trouve enfermé avec
les plus effroyables péchés. Dans sa fièvre, la
moindre danse prend des allures bachiques, le jeu
le plus innocent lui paraît coupable.
« Je ne blâme pas les amusements au fond », dit-il,
« la danse et les jeux de cartes ne sont pas en soi un