Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

28 CALVIN
le langage vulgaire dont use l'homme du peuple
aussi bien que le savant. Il s'appliqua donc, non
seulement à perfectionner le petit Jean dans la
science du latin, que l'écolier noyonnais entendait
assez mal, mais à lui apprendre l'art de se servir
d'un français correct, préparant ainsi, sans le
savoir, un robuste et pittoresque orateur à la
ville de Genève, et un franc écrivain à la postérité.
Le petit Cauvin apportait le plus grand empressement
à faire ses devoirs de français. Ce qu'il y
avait en lui de vigoureux, de mordant et de vif
s'y éveillait et il savait gré à son maître de ne pas
le confiner dans l'étude d'une langue morte.
Mais les chanoines de Noyon avaient là-dessus
des idées fort différentes. Le collège de la Marche,
où l'on donnait ce que nous appellerions aujourd'hui
un enseignement laïque, leur inspirait de
grandes inquiétudes, et ils pensaient qu'un professeur
tel que cet original Cordier n'était pas
ce qu'il faut à un futur clerc. Le jeune garçon
dut se transporter un peu plus loin, au collège
Montaigu.
C'était bien le plus vieux, le plus sale, le plus
noir de tous ces collèges parisiens qui ne se piquaient
pas de propreté et d'élégance. La crasse
suintait de tous les murs, et les couloirs exhalaient
des souffles puants. Cette triste maison, située en
haut de la montagne sainte Geneviève, en face
de l'abbaye, étouffait la jeunesse. On n'y entendait
point de rires, mais seulement des péroraisons,
des discours, d'interminables disputes oratoires,
en latin et le sifflement des verges qui
fouettaient les élèves. Après les compiles, il fallait
se taire jusqu'à la messe du lendemain. Le glas
froid d'une cloche qui ordonnait de pieux exer-