Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

L'ÉVOLUTION 69
pour massacrer les gens, puisque vous le mettez à
même de causer la mort de tant de personnes. C'est
qu'il est permis aux médecins, comme ils l'avouent
eux-mêmes, de tuer impunément. »
Puis, la couverture aux jambes, écoeuré de
tisanes, l'estomac délabré et la tête vide, il se mit
en devoir de terminer son paraphrase de Sénèque
qu'il intitula de clementia et destinait à François
1er. Il en appelait éloquemment à la clémence
royale dans un réquisitoire énergique contre l'absolutisme,
et faisait alors le panégyrique de la tolérance.
La tolérance ! Est-ce parce qu'il ne souffrait
pas encore de toutes ses maladies que le futur
autocrate de Genève se servait d'un tel mot ?
« Ne pas pouvoir pleurer, c'est un vice », disait-il.
Mais écrire un livre n'est rien, il faut le faire
imprimer. Calvin racle le fond de ses tiroirs, vend
quelques objets et court chez le sieur Louis Blaublom
ou Blaamabloen, imprimeur rue Saint-
Jacques, à l'enseigne des Deux Coqs. Quand il
en revient, il n'a plus un sou. Comment vivra-t-il ?
Que vendre ? Il ne lui reste plus que sa paillasse
et quelques livres sans quoi il ne pourrait exister.
Les fioles vides des drogues absorbées traînent
à côté de l'écritoire. Depuis plusieurs jours déjà,
il a rogné sur sa nourriture. Il se sent épuisé.
Et tout à l'heure, le porteur d'eau va réclamer son
obole, sa logeuse voudra être payée, son traiteur
lui énumérera tout ce qu'il lui doit. Déjà, il croit
les entendre gravir l'escalier. Affolé, il écrit à
son ami Nicolas Duchemin :
Mon frère qui, je le sais, a touché l'argent que mes
débiteurs lui ont envoyé, trompe mon attente avec sa
négligence habituelle. Je me trouve dans une gêne à