Calvin / Jean Moura et Paul Louvet. 1931. - Bible et Rencontres

106 CALVIN
Le directeur de conscience de Marguerite habitait
à l'abbaye de Clairac, au bord du Lot, dont la
séparait une prairie en terrasse. L'abbé avait
son logement dans la grosse tour carrée qui se
voyait de toute la campagne.
Calvin pénétra dans une grande chambre nantie
d'une alcôve et d'un cabinet. C'était l'appartement
de l'abbé. La discussion fut longue. Roussel
essayait de modérer son ami. Il ne voulait pas
qu'on détruisît l'Église, mais seulement qu'on la
réformât. Calvin tenait ferme pour sa destruction.
L'Église était quelque chose entre Dieu et lui.
Pour cela il en avait horreur. Il était plein de
mépris pour les hommes interprètes de la parole
divine. Tout ce qu'ils pouvaient faire, n'était-ce
pas d'obscurcir l'image de Dieu ? Il ne fallait
plus d'Église, il ne fallait plus de tradition. L'on
devait retourner droit à Dieu, revenir
et simplement à l'Évangile, « Christum
purement
ex fontibus
praedicare
démordre.
». Il s'entêtait, n'en voulait point
Tout au fond de lui-même, n'y avait-il pas quelque
opiniâtre rancune contre la honte infligée
au promoteur du Chapitre de Noyon, et le souvenir
pénible de la malédiction que son père avait
emportée avec lui dans la tombe ne le poussait-il
pas à vouloir la ruine d'un clergé qui avait fait
le malheur de sa famille après avoir été la source
de sa fortune ? Et il devait âprement rappeler
ce qu'on reprochait aux gens d'Église, cependant
que l'abbé, de son côté, citait les noms des grands
hommes qu'elle avait donnés à l'humanité, et
démontrait que, sans elle, la barbarie eût peut-être
encore régné sur l'Europe.
Mais il eut beau dire, Calvin repartit avec le